L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Le Rêveur
de Will Eisner
Delcourt - Contrebande 2009 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 112 pages
ISBN : 978-2-7560-1683-2
FORMAT : 13,3x19 cm

Traduit de l'américain par Anne Capuron

Those were the days

Delcourt poursuit ses rééditions de l’œuvre de Will Eisner avec ce récit, l’un de ses plus personnels, narrant l’itinéraire d’un jeune illustrateur dans sa route vers le succès. Voici Billy Eyron, modeste employé chez un imprimeur de New York. L’homme est artiste et rêve à un avenir rempli de dessins et d’illustrations. Le carton sous le bras, il présente régulièrement son travail à différents éditeurs. Trop orgueilleux pour travailler sur de vulgaires Tijuana Bibles, il s’obstine et cravache dur pour arriver à ses fins. Mais la période n’est pas rose, c’est la crise, et si les temps sont durs pour tout le monde, ils font encore moins de cadeaux aux artistes. Pourtant, lorsque les ventes de pulps s’effondrent, la bande dessinée continue de rencontrer un beau succès… voilà peut-être la voie à prendre pour Billy…

Avec ce récit, écrit et dessiné en 1986, Will Eisner proposait une histoire semi autobiographique, peuplée de guest stars à demi cachées (Jack Kirby est Jack King, Ken Corn est Bob Kane…), ancrée dans un contexte socio-économique fort et réaliste. C’est l’occasion pour Eisner de brosser un portrait à la fois nostalgique et lucide sur une période riche en bouleversements autant personnels (c’est le début d’une carrière, Eisner/Eyron multiplie les pseudos, les projets et les séries…), que généraux (l’industrie des comics se met en branle, on assiste à l’émergence de quelques grands maîtres, à la création d’un premier syndicat…). Le fil conducteur reste le rêve. Billy rêve de vivre de son travail, un imprimeur rêve de devenir éditeur, un éditeur rêve de devenir écrivain... c’est dans une farandole légère et pleine de rebondissements que nous entraîne Eisner, vantant ici les mérites du travail, de l’obstination et de l’audace. Les saynètes s’enchaînent et comme toujours chez le père du Spirit, les planches vibrent littéralement, portées par un souffle dynamique et ininterrompu. Un petit bijou, que l’on peut suivre avec d’autant plus d’intérêt que de nombreuses notes en fin d’ouvrage rappellent le contexte et dénouent les allusions dissimulées.

L’album est augmenté d’un court récit, dans la droite lignée du premier et jusque-là inédit en France, « Le jour où je suis devenu un pro », anecdotique mais joliment dessiné. Enfin, « Crépuscule à Sunshine City » (1985) clôt cette édition. Une petite fable noire génialement mise en scène, preuve une fois de plus du talent d’Eisner lorsqu’il s’agit de composer ses planches et de conduire un récit à plusieurs niveaux avec une apparente décontraction.

Enfin, en postface, un texte de Scott McCloud rend un nouvel hommage à Eisner. Ça n’est que la moindre des politesses.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 23/03/2009 )
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