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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Le Chant du pluvier
de Joseph Béhé , Amandine Laprun et Erwann Surcouf
Delcourt - Mirages 2009 /  19.90 €- 130.35  ffr. / 176 pages
ISBN : 978-2-7560-1083-0
FORMAT : 20x25 cm

Soleil de nuit

Attention, petit chef d’œuvre, dans le genre sobre, dépouillé mais profond. L’histoire en quelques idées : une famille désunie, une mère qui vient de disparaître, un fils qui ne s’entend pas avec son père et sa sœur et a préféré tout quitter pour vivre au Groenland. Et, comme ultime tentative de rapprochement, un voyage du père vers cette île nordique. La cohabitation s’annonce un peu rude : l’ancêtre est soit bourru, soit gamin, égrillard, charmeur, un peu alcoolisé, pas méchant, mais pas l’image du père idéal dont rêvait le fils. Mais voilà, c’est un père, qui veut retrouver son enfant parti loin du Béarn, et pour cela, il est prêt à tout…

On pourrait dire, un peu facilement, que tous les papas, et tous les enfants sauront comprendre ce livre, le lire en empathie, parfois même en sympathie. L’histoire est simple et très émouvante. Les protagonistes figurent un récit qui est celui de nombreuses familles et de l’humanité, mais la touche d’étrangeté — de génie — de l’ouvrage, c’est de transposer ce huis clos (ce duel même) dans les glaces du Groenland, au sein d’une population étrangère, au mode de vie radicalement exotique, mais indubitablement chaleureux. Ici, et très prosaïquement, la chaleur réside dans le cœur des hommes, et c’est déjà beaucoup. Sont décrits ici les efforts du père pour s’adapter et comprendre, reconquérir ce fils disparu, et les efforts du fils pour s’acclimater à ce père trop différent. C’est la rencontre entre deux étrangers… rien que du beau et du profond, de ce qui remue l’âme.

Tout cela est magnifiquement traité : une mise en scène mesurée, des visages taillés à la serpe, un trait sec et sobre, des silhouettes réduites à l’essentiel (un geste, un sourire, un regard, une posture), des interstices tout droit venus des rêves de David B., exploitant cette fois non pas les légendes orientales, mais les mythes esquimaux. Et puis le travail sur les couleurs est exemplaire, alternant les variations sans fin du noir au gris, au bleu, au blanc. Simplement : on s’y croirait ! Le lecteur est immédiatement saisi par ce paysage dépouillé, nu, cette vie réduite à l’essentiel, cette atmosphère crépusculaire et se concentre sur les sentiments découlant de ce face-à-face entre un père et son fils. Une réussite.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 13/04/2009 )
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