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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

McCurry, NY, 11 septembre 2001 - Magnum Photos
de Jean-David Morvan et Jung Gi Kim
Dupuis 2016 /  24 €- 157.2  ffr. / 136 pages
ISBN : 9782800167336
FORMAT : 22x31 cm

La guerre à domicile

Steve McCurry est photoreporter, plutôt spécialiste des guerres… ces événements éloignés que l’on ne voit qu’à la télévision. Il aime les marges, les zones grises : Pakistan, Afghanistan. Il aime également les individus, les gens, les anonymes commes les chefs. Il baroude, mitraille avec son appareil, croise Massoud et ses hommes, s’attarde sur les scènes de la vie simple dans un Afghanistan en pleine guerre civile, des hommes qui prient, des enfants qui jonglent, des femmes qui passent ou s’arrêtent un moment pour fixer son objectif. Des paysages hésitants entre la guerre et le calme, des hommes mutilés ramenés à une vie sereine, des soldats qui jouent à la balançoire, des enfants armés et sérieux, etc. Et puis le voilà à New York, lors d’une escale, le 11 septembre 2001, confronté à une situation qui lui semblait jusque là si improbable, un spectacle de guerre au cœur d’une métropole en paix. De loin, il commence à observer, à photographie cette apocalypse… puis il se rapproche, jusqu’à arriver au cœur des ruines du World Trade Center, filmant la désolation de cet attentat. Témoignage brut, ses photographies se passent presque de commentaire si ce n’est le constat désolé que le monde est un endroit peu fréquentable.

On les connait, ces photos du 11 septembre, vues, revues… et pourtant, chaque fois, c’est la même stupeur face à ce spectacle inouï des deux tours frappées, puis abattues, c’est la même stupéfaction qui, 15 ans plus tard, saisit le spectateur… force de la photographie. Les 80 photos de Steve McCurry reflètent un monde chaotique, ô combien : passant d’un Afghanistan traumatisé par la guerre, à une cité new yorkaise transformée en champ de bataille, McCurry éclaire les liens qui se tissent entre ces deux réalités si éloignées, à la manière dont Renaud et Axelle Red, dans Manhattan Kaboul, déroulaient l’histoire des victimes afghanes et américaines. La série « Magnum Photos » donne ici carte blanche à un grand photographe, qui raconte ses expériences afghanes et son traumatisme d’américain, un témoignage à la fois photographié, dessiné, narré à l’occasion d’une longue interview. Les auteurs, au hasard des photos, jouent du contraste entre la normalité afghane (une « normalité » complexe, où la guerre n’est jamais loin) et la tragédie new yorkaise, omniprésente. Jean David Morvan et Séverine Tréfouël, au scénario, ont su habilement placer le lecteur face à la complexité du 11 septembre, dont les échos afghans résonnent. Tout en s’effaçant derrière McCurry, ils parviennent, par la construction même de l’album, à donner à réfléchir, servis également par un graphisme efficace de Jung Gi Kim, très sensible à la mise en scène et au « choc des photos ». Une variation subtile sur des images lourdes de sens, et la démonstration que les images peuvent, encore une fois, suffire à comprendre pour quoi deux réalités si éloignées sont finalement si proches.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 04/11/2016 )
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