Bande dessinée Policier - Thriller |
Un destin de trouveur - Les Contes de la Pieuvre de Gess Delcourt 2019 / 25.50 €- 167.03 ffr. / 224 pages ISBN : 9782413007999 FORMAT : 19,8x26,3 cm « chercher objet caché » Certaines personnes ont le chic pour perdre à peu près tout ce qu’on leur confie… d’autres ont le talent de tout trouver : c’est le cas d’Emile Farges, un inspecteur de la police parisienne, doté d’une capacité particulière, celle de trouver ce qu’il cherche. Une carte, un caillou lancé dessus et il sait ! Dans la France uchronique des Contes de la Pieuvre, Farges est un trouveur, un « Talent », d’aucuns diraient un mutant dans d’autres univers… Et ces talents se partagent entre deux camps, celui de l’ordre, de la loi, ou de la morale, et celui du crime, du lucre. La pieuvre, organisation criminelle qui exploite ces talents, s’intéresse à Farges, mais comment le fléchir et l’attirer ? Par un kidnapping peut être : en enlevant son épouse et sa fille… afin de lui faire trouver l’épouse et la fille d’un des chefs de la Pieuvre, « la Bouche », dont le talent est de séduire. Un mécanisme terrifiant se met en branle… car on n’échappe pas à la pieuvre, une fois qu’elle a mis le tentacule sur vous. A moins que Farges n’ait avec lui quelques atouts insoupçonnés, comme le gang féministe et anarchiste de Mama Brûleur, une bande de femmes toutes dotées de talents divers et consacrées à l’aide aux femmes victimes de violence. Et puis il y a la police, les collègues, le petit peuple de Paris qui apprécie ce redresseur de torts. Farges pourrait peut-être s’en sortir ? Mais il doit pour cela se mesurer aux talents dressés par la Pieuvre. A ce jeu, il faut, plus que du talent, de l’intelligence et un peu d’amour… A lire ce nouvel opus des contes de la pieuvre, une référence vient immédiatement à l’esprit : Tardi, celui d’Adèle Blanc-Sec et d’un Paris 1900 peuplé de créatures légendaires. Gess, avec bonheur, organise la rencontre entre l’uchronie à la française et le comics américain. Un peu comme La Brigade chimérique, extraordinaire déclinaison du mythe des super héros dans les années 30, ces Contes de la Pieuvre révèlent tout à la fois un scénariste roué, amateur d’intrigues tortueuses et de personnages hauts en couleurs, et un dessinateur inspiré, qui donne au Paris populaire un cachet particulier et poétique. C’est aussi une ambiance, celle des bas fonds parisiens, du monde des apaches, de Casque d’or et de Ravachol. Et au- delà de ça, un récit initiatique sur le destin, les talents justement, mais aussi la société et ses inégalités, ou encore l’amour et ce qu’il entraîne de beau et de terrible. Et comme chez Tardi, on sent une empathie immense entre l’auteur et ses personnages, ce gang d’anars féministes luttant contre l’injustice ou même ce jeune homme surnommé la bête, et qui trouverait parfaitement sa place dans un des films de Miyazaki. L’une des plus belles scènes voit le peuple parisien se rassembler pour crier justice, une belle métaphore. L’album est donc beau, réussi, captivant… mais pas seulement. Après La Malédiction de Babel, Gess confirme à la fois l’originalité de son style et la richesse de son univers, poétique et violent. C’est un autre XIXe siècle qui émerge, plus brutal mais aussi plus chaud, plus passionné. Et c’est surtout un récit fantastique de haute volée, qui nous change de ces comics américains sans originalité et dédiés à la seule exploration plastique des muscles du corps humain : avec ces Contes, on découvre une véritable intrigue, et des personnages anguleux et attachants, dans un décor parisien familier et déroutant en même temps. Une valeur sûre. Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 02/05/2019 ) |
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