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Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Le Choucas (tome 6) - Le Choucas gagne à être connu
de Lax
Dupuis - Repérages 2004 /  9.50 €- 62.23  ffr. / 48 pages
ISBN : 2800135212
FORMAT : 22 x 30 cm

Le Choucas au Québec

«J’ai bondi dans le seul costard de ma penderie (celui que j’avais pour l’enterrement de ma mère), que j’ai associé à une chemise jaune de chez Fringakian, manière d’atténuer l’austérité. J’avais tout d’un choucas» : la présentation du héros créé par Lax sent bon la série noire, et de fait, les aventures du Choucas ne dépareraient pas dans la prestigieuse collection des éditions Gallimard — non plus que dans le polar français des années 1950-60, façon Michel Audiard, que Lax met d’ailleurs en exergue de ce volume (« Il vaut mieux s’en aller la tête basse que les pieds devant »). Les titres de la série l’attestent d’ailleurs. Après Le Choucas rapplique, Le Choucas s’incruste, Le Choucas enfonce le clou, Le Choucas n’en mène pas large, Le Choucas met le feu aux poudres, voici donc : Le Choucas gagne à être connu.

Et tout y est : le privé sans talent particulier, qui se prend un peu au sérieux mais ne l’est pas trop, un peu abîmé par la vie, sans grand respect pour la loi mais avec un grand sens moral et finalement pas mal d’estomac ; peu de personnages, mais tous intéressants ; un suspense qui monte jusqu’à la chute finale ; une contruction narrative qui fait alterner le voyage du Choucas et les scènes qui relèvent du merdier dans lequel il va se fourrer sans en avoir l’intention, etc. Jusqu’aux dessins, qui donnent une impression de croquis sur le vif, loin d’un style léché qui n’irait pas très bien au polar.

Seul accroc, notable, au genre — et au genre jusque là respecté par Lax : l’absence de Paname, que le Choucas quitte dès les premières pages de l’album, flanqué d’un ancien gardien du Louvre qui s’est acquis une petite fortune en volant un Boucher («ça c’est vache ! pourquoi s’en prendre au petit commerçant ?») et qui, grâce à elle, veut retrouver au Canada un homme portant le rein de son fils, décédé d’un accident de la route. Du coup, l’action se passe entièrement dans les régions sauvages du Québec ; et cette idée est excellente. Non seulement elle est l’occasion pour Lax de tricoter une intrigue astucieuse dans laquelle les grands espaces et les derniers survivants d’une tribu indienne (les Paakna-Aki) jouent les premiers rôles, mais surtout elle lui permet de multiplier les expressions québécoises, pour le plus grand plaisir du lecteur français. Le taciturne Choucas — il a pas beaucoup de jasette pour un Parisien —, toujours attifé comme la chienne à Jacques, est ainsi à la recherche d’un parent de la fesse gauche et se mouvera les bottes sans jamais lâcher la batte. Malgré tous ceux qui vont lui étirer la pipe — y compris l’ordure qui voudra le descendre après l’avoir pourtant invité à faire chaudière —, il saura résister et ceux qui ont appris à baiser le cul du diable quand il est frette, à la seule fin de faire leur bosse. Récompense suprême pour le Choucas : la minoune qu’il trouve à la fin…

Autant le dire : on se régale. On ne va pas faire la baboune devant un monument de la cuisine québécoise, non ? On va pas mettre Lax en mauvaise odeur ? Redisons-le donc à ceux qui n’auraient pas bien entendu : le Choucas gagne à être connu.

Sylvain Venayre
( Mis en ligne le 12/01/2004 )
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