Bande dessinée
Aventure de Frank Le Gall
13 €- 85.15 ffr. / 48 pages
ISBN : 9782800167701
FORMAT : 23,7x31 cm
Le Poussin déchaîné
Cela faisait tellement longtemps qu'on avait pas vu de planches de Frank Le Gall ! Et encore plus longtemps qu'on avait pas eu de nouvelle de son personnage-fétiche, cet aventurier lunaire improbable du nom de Théodore Poussin...
Pour préparer la sortie prochaine du Dernier Voyage de l'Amok, Dupuis réédite les tomes précédents sous de superbes couvertures et prépublie la nouveauté en quatre fascicules, avec à chaque fois un quart du récit en noir et blanc, des esquisses et une interview – le tout pour le même prix qu'un album entier, soulignons-le.
La dernière fois qu'on avait vu Théodore, c'était en 2005, dans Les Jalousies, où nous l'avions laissé défait et à la dérive au milieu des vagues. Voilà qu'aujourd'hui il veut se venger, et entreprend de reconquérir son île infestée par les pirates.
Depuis le début de la série Théodore Poussin, Le Gall nous propose régulièrement la même surprise. Lorsque le récit semble s'arrêter, prendre la pose sur une fin ouverte ou fermée, un des albums suivants intègre l'aventure dans une histoire plus longue, rebondit, joue des conséquences et des souvenirs. Ainsi Capitaine Steene, prévu comme un one-shot, est-il devenu le premier album d'une longue série. De la même manière, Les Jalousies, que l'on prenait à l'époque pour un épilogue aux thématiques de La Terrasse des Audiences ou de Marie Vérité, s'avère finalement l'introduction à ce Dernier Voyage de l'Amok. Ce n'est pas la moindre des qualités de Frank Le Gall que de nous raconter les histoires d'aventures comme on raconte la vie, en s'appuyant sur le passage du temps pour mûrir, doucement, en même temps que la bande dessinée. L'aventure n'avance pas vite le temps d'un seul de ces fascicules, mais se complète par des documents écrits et dessinés.
Dans le passionnant portrait en forme de psychanalyse du premier Cahier, Le Gall décrit le héros comme quelqu'un de son entourage, qu'il connaîtrait mieux que quiconque : on a toujours l'impression d'être toujours quelque part entre fiction et réalité. Et on est heureux de savoir, même si ce volume est la fin d'un cycle, que de nouvelles aventures sont déjà en gestation dans le carton à dessin.
Le deuxième numéro des Cahiers s'attarde sur les lectures de jeunesse de Le Gall. Il y fait à nouveau preuve de culture et d'éclectisme, et nous y apprenons avec surprise qu'il a toujours préféré Alice détective à Melville ou Conrad. Mais même si le commentaire évoque surtout la littérarité de l'œuvre, la véritable valeur ajoutée du fascicule vient du noir et blanc. Ces grandes planches permettent d'apprécier un dessinateur en pleine forme, riche en détails, en ombres, en hachures dans tous les sens, en trames parfois. Une splendide obscurité qui tranche avec sa réputation de ligne claire. Au dessin comme au scénario, Le Gall aime les chemins de traverse, il prend le temps de faire des détours pour mieux nous installer, confortablement, dans son récit. Joue avec son lecteur et les flous autour de M. Novembre. Fausse piste, vraie indice ?
C'est de plaisir qu'il est de plus en plus question ici. Plaisir du dessin, plaisir du souvenir. Un plaisir partagé, dans tous les cas.
Clément Lemoine
( Mis en ligne le 18/10/2016 )
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