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Bande dessinéeet Aventure  

Les Eternels (tome 2) - Mira
de Yann et Félix Meynet
Dargaud 2004 /  12.60 €- 82.53  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-205-05474-0
FORMAT : 24 x 32 cm

Pas glop

Peu avant la fin de cette histoire, Monsieur de Boers, l’employeur des «éternels» (ce mot désigne la police secrète des diamantaires d’Anvers), engage ce dialogue avec l’héroïne :

«— Il y a une chose que j’aimerais comprendre, Mira… Pourquoi avez-vous tiré sur Sumak ?
— Euh… Vous vous méprenez… Je suis Uma. C’est Mira qui a abattu Sumak, en se faisant passer pour moi.
— Ah ?… Mais pourtant… le cadavre carbonisé dans cette maison, c’est bien celui d’Uma ?…
— Non ! C’est celui de Mira, mais…
— Bon, donc le crâne C281 à Paris, c’est celui d’Uma…
— Non ! Non !… Il faut reprendre au début. Dans la maison, c’est le cadavre de Mira qui prenait l’identité d’Uma et se faisait passer pour moi, jouant le rôle que vous m’aviez demandé de jouer quand vous avez cru que Mira était morte.
— C’est bien ça ! Mira n’est donc pas morte et le crâne, c’est celui d’Uma !
— Mais non ! C’est moi la seule, la vraie Uma ! Pas «Uma», le nom de code de Mira au sein des éternels et…
— Uma ? Mais vous êtes morte ! J’ai vu votre crâne !
— Mais non !
»

A ce moment de l’histoire, nombre de lecteurs doivent se sentir en sympathie avec le pauvre de Boers, tant les rebondissements ont été nombreux dans les pages précédentes, et pas toujours très bien expliqués. Le format de 48 pages ne convient pas à ce type de récit, qui multiplie les péripéties faciles destinées à faire avancer l’intrigue. On est un peu déçu, de ce point de vue, quand on connaît les talents de scénariste extraordinaire dont Yann a fait preuve dans le passé. Est-il possible, par exemple, qu’une héroïne de la trempe de Uma (ou Mira, allez savoir !) découvre un des fins mots de l’histoire (il y en a visiblement plusieurs…) en brisant une statuette à la suite d’un faux mouvement (elle s’est brûlé le doigt avec une allumette, la pauvre !) ?

Reste qu’il y a de bons moments. Il est original, cet inspecteur de police kabyle et homosexuel, vivant avec sa mère qui lui prépare de délicieux desserts, entre deux évanouissements. On lui doit même le seul bon mot de l’album, lorsqu’on lui tire dessus («Pas glop ! Pas glop ! — C’est du kabyle ? — Non ! Du Lévi-Strauss ! Une fine analyse de la situation version Pif le chien !»). Il y a surtout les dessins de Meynet et ses héroïnes fessues, aux belles jambes et aux décolletés plongeants, présentes sur chaque planche — au point qu’on est en droit de se demander si le scénario de Yann n’est pas juste un prétexte à faire bouger (en tout bien tout honneur, cela dit) ces corps féminins à la fois parfaits et rebondis.

Le meilleur de l’album, ce sont finalement les six premières pages, étrangères à l’histoire, présentées comme un dossier de Paris-Flash inspiré du Hergé des Bijoux de la Castafiore (la une de Paris-Flash annonce : «Après la mort du célèbre Rossignol milanais, son capitaine de mari se confie : "Notre mariage fut un vrai naufrage !"»). On y retrouve Walter Rizotto et Jean-Félix de la Batellerie étourdis par les charmes de Mira/Uma. C’est le seul moment de l’album où l’amateur de bande dessinée y trouve un peu son compte.

Sylvain Venayre
( Mis en ligne le 17/04/2004 )
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