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Bande dessinéeet Aventure  

Au bord de l’eau (vol. 1)
de Jean-David Morvan et Wang Peng
Delcourt - Ex-Libris 2008 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-7560-0973-5
FORMAT : 24x32 cm

Mieux que les 40 voleurs ?

Tout commence de manière proustienne, par un narrateur, confortablement installé et en train de lire un classique qu’il nous dévoile par petites touches. On y croise Hong Xing, un maréchal important, qui, gonflé de son titre, ne sait écouter ni la sagesse (incarnée par un vieux moine), ni la vertu (incarnée par un jeune enfant divin) et commet l’irréparable, ouvrant la prison de 108 rois démons… Puis, abruptement, l’on passe à un jeune homme aussi fainéant que débauché, habile manipulateur, Gao Qiu, lequel démasqué par l’une de ses victimes, son propre employeur, revient bien plus tard et, honoré de la faveur impériale, entreprend de se venger sur la famille de son ancien maître. On enchaîne avec Wang Jin, un maître d’arts martiaux, pourchassé par la haine du dit Gao Qiu, et qui découvre en Shi Jin un élève doué, et l’on clôt – temporairement- cette visite sur un brigand capturé par ce jeune maître des arts martiaux décidé à faire régner la justice. L’histoire s’enroule petit à petit autour du récit initial : c’est celle de la vie, de ses injustices, de ses combats…

Le mélange harmonieux d’un récit historique et d’une légende épique : Au bord de l’eau est l’un de ces classiques du roman chinois, dont le héros le brigand Song Jiang, est devenu si incontournable qu’il campe depuis dans l’imaginaire collectif. Si l’histoire naît au XIIe siècle, sur quelques bases authentiques (le règne de l’empereur Hui-Zong), elle est surtout le cadre d’une légende inquiétante, version chinoise de la boîte de Pandore : la libération de 108 rois démons par un officier présomptueux, et les problèmes qui s’ensuivent. Désormais ouverte à l’Orient et à une littérature mal connue en Occident, la collection Ex-Libris entreprend de mettre en scène et en image ce récit classique et haut en couleurs.

C’est Jean-David Morvan qui officie, pour la scénarisation de ce roman-fleuve qu’est Au bord de l’eau : il s’agit non de résumer, mais de distinguer quelques moments phares pour une version plus occidentalisée. Mission parfaitement accomplie, et ce premier album, qui suit les destins de quelques personnages, se lit comme au fil de l’eau. Le texte est sobre d’effets, mais cette sobriété en fait sa force (notamment le combat entre Wang Jin et Shi Jin, tout en retenue, bien loin de la mise en scène épuisante des mangas). Il est vrai que le graphisme, à la fois doux et réaliste de Wang Peng, une version chinoise d’Alex Ross, y est pour beaucoup : on se laisse porter par l’exotisme des images, dans une mise en scène classique qui a un charme un peu suranné. Une belle variation et une autre occasion de se plonger dans un trésor méconnu, celui de la littérature chinoise.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 13/04/2008 )
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