L'actualité du livre
Bande dessinéeet Aventure  

Terre de feu (tome 1) - L'archer rouge
de David B. et Hugues Micol
Futuropolis 2008 /  16 €- 104.8  ffr. / 72 pages
ISBN : 978-2-7548-0123-2
FORMAT : 23,5x32 cm

Quelque part au bout du monde

C’est par le western que le grand public avait découvert David B. et Christophe Blain. Par le western aussi que Hugues Micol avait publié ses premiers albums, quelques années plus tard, avec Jean-Louis Capron. Du côté de La Révolte d’Hop-Frog, premières aventures d’Hiram Lowatt & Placido, Blain et David B. œuvraient pour le décalage fantastique, tandis que Chiquito la Muerte, signé Capron et Micol, évoquait plutôt la farce morbide.
Dix ans plus tard, les cartes sont redistribuées. Christophe Blain a repris le western en solo, avec une série, Gus, qui traite des relations humaines sans passer par le fantastique. Voilà maintenant que David B. et Micol font leur retour dans le genre, avec une nouvelle histoire en diptyque aux relents d’imaginaire.

Ici, les cow-boys tuent les indiens, comme à l’âge d’or. D’ailleurs, un des principaux personnages écrit pour les journaux de ces romans-feuilletons qui ont fait naître les premières mythologies, et les premières grandes figures de l’Ouest. Mais le traitement est réaliste, cruel, évoquant plutôt les variations contemporaines. Les morts ne manquent pas, et les vivants sont dépourvus d’idéal. Aussi on ne s’attarde pas sur le point de vue des indiens, survivants fantômes à un massacre sans merci, et dont même le plus féroce guerrier ne peut vaincre tous les hommes blancs. Le cœur du récit est au contraire occupé par les impitoyables, les cyniques, les meurtriers, ceux qui partent au bout du monde pour y devenir riche.
Nathan Lowatt, lui, ne cherche pas la fortune. S’il est parti, c’est pour pouvoir mieux revenir chez lui. Mais pris dans les rivalités des bandes, perdu entre les intérêts et les vengeances, il rencontre sans cesse des obstacles à son retour. Nathan est le frère, on l’apprend au détour d’une case, du Hiram Lowatt du duo Blain-David B. Mais ici, il n’y a pas de héros, et même Nathan semble s’éclipser à la fin de l’album.

La noirceur est encore accentuée par le lieu et le temps. En terre de feu, au bout de la Patagonie, autant dire au bout du monde, et à la frontière entre fin du dix-neuvième siècle et début du vingtième, c’est-à-dire à la toute fin du western, alors que les villes, déjà, se sont rangées dans une autre civilisation.

Dès lors, David B. peut infiltrer ses thématiques habituelles, le passé désiré comme un refuge qui s’enfuit pourtant loin de nous, et l’ombre d’une religion qui pèse dans la conscience de tous les hommes. Au fur et à mesure du récit, sans que s’éclairent vraiment les motivations de chacun, commence à se faire jour un mysticisme pluriel, des croyances concurrentes qui rentrent en conflit en même temps que les hommes.

La multiplication des personnages et des obscurités démobilise légèrement la narration, très forte dans les premières pages. Mais les tensions demeurent et les dialogues sont souvent savoureux. Micol, pour sa part, assure un réalisme sombre impressionnant, particulièrement à l’aise dans les plans d’ensemble.
Parmi cette noirceur dispersée, on ne sait pas trop où l’aventure nous mène. Ce qui est certain, c’est qu’on y retrouve bel et bien la marque des grands.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 20/05/2008 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)