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Bande dessinéeet Les grands classiques  

Les Aventures de Lucky Luke d'après Morris (n°7) - La Terre Promise
de Jul et Achdé
Dargaud Lucky Comics 2016 /  10.60 €- 69.43  ffr. / 48 pages
ISBN : 9782884713696
FORMAT : 22x29 cm

La reconquête de l'ouest

On le sait tous, le soixante-dixième anniversaire de Lucky Luke bat son plein, et la sortie du nouvel album de la série traditionnelle devait en être le point d'orgue. Les éditeurs de Dargaud ont eu la bonne idée de confier à Jul les rênes du scénario : enfin un véritable scénariste de bande dessinée, après les têtes d'affiches venues d'horizons extérieurs pour monter des coups marketing sur le dos du cow-boy solitaire. Si les albums de Jul n'avaient jusque là pas grand-chose en commun avec ceux de Lucky Luke, l'homme a toujours fait preuve d'esprit et d'audace, deux qualités qui ne peuvent jamais faire de mal. Et de fait, le sujet de La Terre promise séduit par son originalité et sa cohérence : l'immigration juive aux États-Unis est non seulement un thème historique qui manquait à la série, mais aussi une façon de remettre en avant la mémoire de Goscinny, son scénariste le plus émérite. C'est également un choix courageux à une époque où la religion est de plus en plus vécue comme conflictuelle ; et sur ce point, le scénario est adroit et allie la tendresse et l'humanisme comme aux grandes heures de la série. D'ailleurs, Jul ne cesse, dans ses déclarations, d'évoquer le double projet de renouer avec l'âge d'or et de chercher une seconde jeunesse. Raccrocher Lucky Luke à l'histoire des États-Unis est un de ces choix logiques que les fidèles lecteurs attendaient depuis longtemps.

Mais si les intentions sont là, il a été visiblement plus difficile aux auteurs de faire de ce premier album un titre vraiment mémorable.
Peu habitué aux structures narratives complexes, Jul a écrit un scénario d'une grande simplicité, qui tranche avec les aventures brouillonnes des derniers albums. Cela permet à Achdé de dessiner un récit plus fluide qu'à son habitude. Il faut dire que le dessinateur est meilleur pour l'énergie qu'il met dans ses silhouettes que pour ses compositions, trop souvent chaotiques. La comédie de caractère de Jul lui permet de mieux se concentrer sur les personnages. Il parvient même à donner naissance à des visages nouveaux mais fidèles à Morris, comme ceux de Goliath ou Yankel.
Malheureusement, la légèreté du scénario laisse aussi le lecteur sur une impression de vite-lu. Les dangers sont réduits au strict minimum, les péripéties limitées à des situations archétypales. En guise de gags, nous aurons surtout quelques jeux de mot gratuits et des allusions un peu datées : Boris Vian, Rabbi Jacob ou Eddy Mitchell. En terme de modernité comme de cohérence, on aurait pu faire mieux.

Pour autant, Jul réussit son examen de passage sur quelques détails bien brossés, comme les panneaux d'entrée dans les villes, et sur sa connaissance intime de la série : il se permet de jouer avec le statut de cow-boy de Lucky Luke et avec ses discrètes émotions, sans pour autant accentuer l'ironie jusqu'à briser l'équilibre du personnage comme d'autres l'ont fait avant lui.
Espérons que cette première collaboration sera, non pas l'étalon des prochains albums de Lucky Luke, mais la première étape pour la reconquête du cow-boy le plus rapide de l'ouest !

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 04/11/2016 )
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