Bande dessinée Adaptation |
Le Paradis perdu de Pablo Auladell Actes Sud - l'An 2 2015 / 34.90 €- 228.6 ffr. / 316 pages ISBN : 978-2330047764 FORMAT : 26,9x20,4 cm D'après John Milton. Traduit de l’espagnol par Benoît Mitaine. Légende moderne Le Paradis perdu est un des grands classiques de la littérature anglaise. Le poète Milton y chante la chute de Satan, le péché d’Ève et le départ du jardin d’Éden. Épopée religieuse, l’œuvre ne fait pas partie du canon narratif dans lequel la bande dessinée a le plus souvent puisé ses adaptations, et on ne connaissait pas encore d’autre version dessinée du texte que des formes illustrées. Pablo Auladell s’est donc attelé à une tâche imposante, qui l’a occupé plusieurs années et se conclut aujourd’hui par un recueil traduit chez Actes Sud-L’an 2. En découvrant sous cette forme le grand œuvre de Milton, on est surpris par sa modernité. Au-delà de sa poésie romantique, Le Paradis perdu suit le parcours d’un personnage à la recherche de son propre bonheur, envers et contre tout. Dans une époque cernée par la mode du Trône de Fer, on croit revenir aux sources des combats pour la domination du monde. Satan, premier antihéros ? Le recueil se divise en quatre parties. La première, « Satan », dessinée pour les éditions Huacanamo, a recours à la trame et au fusain pour dessiner les contours de l’enfer, alors que le prince déchu y rassemble ses troupes. La suite ne fut pas composée pour le papier, mais pour les éditions numériques Minos. Sur terre et au ciel, elles racontent le combat passé de Lucifer et la corruption des hommes. Il s’agit de dresser la limite entre l’obéissance et la liberté. Lucifer, lorsqu’il refuse le statut d’ange, le fait à la fois par jalousie et par indépendance. Il réfute la domination de son créateur, se considère comme son propre générateur. Ce n’est qu’ainsi, en se posant comme son origine et sa fin, qu’il parvient à acquérir le libre-arbitre que les hommes cherchent vainement. Il n’y a qu’en refusant qu’on peut être sûr de choisir. C’est ce que comprend Lucifer, en s’élevant contre Dieu. C’est le message que transmet Gabriel aux hommes, en leur demandant de résister à la tentation. C’est ce que sait Ève, qui choisit de se mettre à l’épreuve, quitte à tomber, pour pouvoir pleinement exister. Alors que dans le remarqué Je suis mon rêve, Auladell pratiquait des cases denses et une mise en page assez traditionnelle, il opte ici pour un récit plus lent, plus fluide. De grandes vignettes occupent les planches, souvent rehaussées d’un cartouche directement composé dans le poème de Milton. Texte et image s’affichent en grand format, majuscules et demi- pages, comme pour balancer la noirceur du contenu par la légèreté de la forme. Car les dessins sont empreints de la dureté du charbon, ou au contraire gracieux et éthérés. Plus que d’expressions, il s’agit de rendre compte d’un brouillard permanent, du ciel ou de la terre. Même les couleurs relèvent du pastel, proches du noir et blanc. Il n’y a pas de demi-mesure possible. Emporté par ces miniatures, le livre se lit comme un roman, majestueux et sombre. Il rend à la mythologie chrétienne sa noblesse et sa poésie, comme un chant dessiné qui couvrirait les légendes du monde. Clément Lemoine ( Mis en ligne le 27/04/2015 ) |
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