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Bande dessinéeet Humour  

Le Chat du rabbin (tome 2) - Le Malka des Lions
de Joann Sfar
Dargaud 2002 /  9.45 €- 61.9  ffr.
ISBN : 2205053698

Le chat, la belle et le petit rabbin

Si le nominalisme n’existait pas, le chat de Sfar (enfin, il est censé être au rabbin) l’inventerait. On avait déjà constaté qu’il n’était pas très orthodoxe, il persiste évidemment dans ce second volume à n’en faire qu’à sa tête. Tout commence par une interpellation directe de Dieu, ce qui en fait discrètement quelque chose comme un prophète. Ce genre de liberté se paye bien entendu au prix fort, les chats pas plus que les prophètes n’étant autorisés à invoquer en vain le nom de Dieu. Puisque tout est dans le nom et dans son invocation, on devine aisément la punition divine – cas classique chez les prophètes, plus rare chez les félins. Mais il est probablement écrit que la curiosité de ce chat-ci est incurable : tous ses créateurs y passent, puisque Sfar lui-même se voit menacer d’une réduction à son nom (pages 37 et 38) : d’où vient-il celui là? Et son nom, arabe ou hébreux?

Le nom, la langue, tout ceci pourrait passer pour verbal plus que graphique. On se doute qu’il n’en est rien : d’abord il y a, presque à chaque case, les mines de notre chat, abyssin s’il le faut, baudelairien à l’occasion, quasi souris s’il le veut, et tant d’autres postures encore. Et aussi un âne arabe, un lion tartarinesque, une salle de classe triste comme l’efficacité de l’Etat. Et puis le cousin Malka, qui ne dit pas grand chose, mais il paraît et tout est dit : c’est le contre poids parfait aux explorations intellectuelles du chat. Et tout ça c’est du trait, de l’ombre, de la lumière, des jeux de regards. Et puis surtout il y a Zlabya, ses épaules nues, les boucles de ses cheveux, ses colliers moins dorés que sa peau : on comprend que son chat soit misogyne face aux autres femmes (et Sfar ne les a pas gâtées, les copines), pas plus qu’il n’aime pas les rabbins marocains, surtout quand ils sont parisiens et qu’ils veulent l’épouser, Zlabya. Gageons qu’il n’est pas le seul, tous ses lecteurs deviennent à sa suite atrocement conservateurs, à vouloir « que tout reste comme c’est », à rêver de rencontre sous la lune et de l’ivresse de la musique judéo-arabe. Et tout ça, le chat l’a vu : à nous désormais d’y croire.

Nicolas Balaresque
( Mis en ligne le 29/01/2003 )
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