Bande dessinée Jeunesse |
Capitaine Fripouille de Olivier Ka et Alfred Delcourt 2017 / 14.50 €- 94.98 ffr. / 24 pages ISBN : 978-2-7560-9496-0 FORMAT : 27,1x35,7 cm Ka de conscience On s'en souvient, les premiers succès d'Alfred s'étaient situés dans la sphère de la bande dessinée jeunesse, avec la série Octave. Depuis, le dessinateur n'a cessé de prouver la portée adulte de son travail, en abordant des sujets graves, en donnant du corps à l'apparence enfantine de son trait, dans Pourquoi j'ai tué Pierre, avec le même Olivier Ka, ou Je mourrai pas gibier, d'après Guillaume Guéraud. Ce n'est qu'avec Come Prima, en 2013, qu'il a achevé ce cycle de légitimation en recevant le Fauve du meilleur album. Dès lors, il peut revenir à des formes plus libres, plus légères, et retrouver la bande dessinée jeunesse en toute tranquillité. Si Capitaine Fripouille se présente comme un format géant, c'est dont plus par attirance pour l'album jeunesse que par monumentalité. Le récit, au contraire, cherche la simplicité et le naturel. Il est pourtant bien question de gigantisme. Le Capitaine Fripouille est un héros exubérant qui étouffe sa famille à force de vantardise, et son ennemi juré, le perfide Jabot, veut rien moins que transformer la Terre à son image. L'un et l'autre sont des ogres, des dévoreurs de monde, opposés dans un duel fratricide où les simples citoyens ont bien du mal à trouver leur place. Pour autant, le duo Alfred et Ka ne mettent pas les deux ennemis sur le même plan. Il s'agit en effet d'une fable politique où le troc et le local s'avancent comme des réponses aux marques et à l'argent-roi. La finance, voilà l'ennemi ! L'aventure n'est qu'un paravent pour une démarche militante, forcément un peu simpliste, mais puisée dans l'actualité. Cette fantaisie altermondialiste semble couler de source pour des auteurs qui n'en finissent pas de célébrer le pas de côté, la gratuité du geste, le partage et la tendresse. Fanzineux, artistes, baladins, ils n'ont jamais été autant saltimbanques que dans leur travail en commun. Car si ces deux-là n'ont pas publié de bande dessinée ensemble depuis Pourquoi j'ai tué Pierre, ils n'en ont pas moins réalisé en toute complicité des spectacles et des chansons, expériences farfelues et pleines de petits miracles dont on peut sans difficulté trouver des traces sur la toile. Capitaine Fripouille, aussi, aura droit à sa tournée d'animations. Malgré tout, on ne les avait peut-être pas encore vus se régaler autant que dans cette utopie sociale pour enfants. Olivier Ka, trop rare en bande dessinée, et Alfred, trop souvent réduit à son graphisme, se révèlent ici en parfaite harmonie en jouant à dénoncer le grand capital. Le dessinateur agrémente son efficacité de mille petites rondeurs et du détail qui fait mouche, comme les cils du Capitaine Fripouille ou la mécanisation robotique des déplacements de Jabot. Le scénariste quant à lui s'amuse à relier les fils de son intrigue en donnant à chacun de ses personnages une petite heure de gloire et le plaisir des mots. En supplément, toujours amateurs de tours de pistes, les auteurs mêlent à leur conte médiéval des sources multiples : la piraterie de l'âge classique, les petits villages de Provence et les mékas japonais. La fusion de ces éléments disparates donnent à l'album une couleur singulière, un univers personnel dans lequel le lecteur se sent bien et où il a envie de revenir. Clément Lemoine ( Mis en ligne le 22/06/2017 ) |
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