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Entretien avec Eric Herenguel - Auteur de la série des Krän



Humour de barbarie

P aru.com : D'où vous est l'idée de détourner le genre de l’heroic fantasy, de le traiter au second degré ?

Eric Herenguel : L’idée m’est venue de l'univers du jeu vidéo. Je précise que je participe à la réalisation d’un programme pour la société française OeilpourOeil. Dans ce cadre, j'ai réalisé de nombreuses études pour créer des personnages, des décors. J’ai alors naturellement extrapolé l'univers de Krän a partir de mon travail de designer. C'était aussi une façon de faire rire mes collègues. Car, dans l’atelier où je travaille, je suis immergé dans la zone de production du jeu. J’y réalise mes bandes dessinées en même temps que je supervise le travail de mon équipe, dessinateurs et infographistes.
En fait, j'adore l'heroic fantasy, mais seulement si elle ne se prend pas au sérieux. J'ai un peu de mal avec beaucoup de BD qui développent des univers de ce genre en oubliant cet esprit fun qui doit l’habiter.
Pour moi, l’heroic fantasy, c'est d’abord Conan le Barbare et Tolkien. Ensuite, les étudiants hard rockers et les autre baba-cool des seventies ont déliré sur le thème en inventant les jeux de rôles. Ainsi, au tout début des années 1980, je me souviens d'avoir joué grâce à des règles photocopiées fournies par un vendeur du Furet du Nord, la libraire lilloise. Il s’agissait des premières règles de Donjons & Dragons que j’ai eu entre les mains. J’ai arrêté les jeux de rôles avec Bloodball en 1990 pour me consacrer pleinement à la BD, qui était alors devenue une véritable obsession !

Paru.com : Quels sont vos références favorites en heroic fantasy ? De qui est inspiré Krän ?

Eric Herenguel : En littérature, Terry Pratchett est incontestablement un maître du genre. Je l’ai découvert grâce à mon directeur de collection, Thierry Cailleteau, qui m’avait incité à lire ses ouvrages alors que je dessinais le premier tome de Krän. J’étais très étonné de trouver un univers qui partait à ce point en vrille et qui me touchait autant. Le cas de son personnage de la Mort est emblématique. Le mien pourrait tout à fait être celui de Pratchett. D’ailleurs, j’étais plutôt soulagé d’avoir déjà quasiment bouclé le tome un à ce moment-là, car une telle similitude dans les personnages aurait pu me faire avoir des scrupules. Par la suite, j’ai certainement nourris mes BD de son œuvre, mais toujours tout à fait consciemment et sans filouterie aucune. A part ça, j’aime beaucoup Carl Barks, le dessinateur des Picsou et autres Donald. Un très grand selon moi ! Au cinéma, je citerai évidemment Star Wars, qui à mon sens est un film d’heroic fantasy, et Willow. Sans oublier le fameux Jason et les Argonautes et le magnifique et très récent Seigneur des Anneaux. Dans les comics, j’aime beaucoup ceux de Spawn, par Mc Farllane et Capullo. Ainsi que Sylvestri sur Cyberforce et Dale Kéon sur The Pitt. Et encore Travis Charest, Steve Rude et Jeff Smith et son fameux Bone. Lui, c’est le Carl Barks du futur !
Et puis il faudrait aussi faire un tour du côté de la peinture : Frazetta, Bröm, Nic Wieth et Remingthon. Sans oublier Mc Ginnis : vous savez, c’est lui qui a conçu les affiche sixties des James Bond.

Une seconde partie de moi est totalement éprise de western. D’une certaine façon, il s’agit de l’ancêtre de l’heroic fantasy. On y retrouve souvent le thème de la rédemption face au mal. Un classique ! Parmi mes films favoris dans ce genre : Le Reptile de Joseph Mankiewicz, Dead Man de Jim Jarmush. Et puis les Sergio Leone. J’ajouterais Autant en emporte le vent, parce que le technicolor ça faisait vraiment BD !

En ce moment, J’ai en vue une BD de 64 pages en couleur directe, qui paraîtra chez Vents d’Ouest. C’est le projet le plus ambitieux qu’il m’ait était donné de réaliser jusqu’à présent. Mais il ne verra pas le jour tout de suite. Pas avant 2003 en tous cas, car pour cette année, j’ai le tome 5 de mon barbare qui m’attend.

Paru.com : Vous avez déjà réalisé quatre albums de Krän, en un peu plus de deux ans. Comment faites-vous pour aller si vite ? Les prochains albums sont-ils déjà prévus ?

Eric Herenguel : Vite ? Je ne pense pas être une flèche, en comparaison de la production de certains auteurs comme Moebius, Hermann ou Boucq. Franchement, je crois que, depuis dix ans, les auteurs qui ne travaillent plus dans les magazines se perdent dans des considérations artistique, peut-être justifiées d’ailleurs, mais qui les empêchent de dessiner davantage et sans doute plus sincèrement. Mon objectif est de travailler comme une brute en faisant tomber les planches les unes après les autres. C’est une façon de trouver le dessin qui est naturellement en moi, en harmonie avec ma nature. Si je passe trop de temps à réfléchir à mon graphisme, je révèle trop clairement mes influences et cela ne profite pas à l’histoire. Car l’essentiel en BD reste le sujet. Ce qui est raconté doit être le moteur du graphisme et jamais l’inverse.

Concernant le prochain album, il évoquera la vie de nos héros sous l’occupation. Eh oui, à force de ne pas faire attention, ils ont été envahis ! Quant au tome 6, il devrait nous dévoiler les origines de sir Kunu.

Propos recueillis par Thomas Bronnec le 10 janvier 2002
( Mis en ligne le 01/02/2002 )
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