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Le Journal de Rywka Lipszyc - Témoignage du ghetto de ŁÃ³dź. octobre 1943-avril 1944
de Rywka Lipszyc
Le Livre de Poche 2016 /  7,10 €- 46.51  ffr. / 344 pages
ISBN : 978-2-253-08744-1
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Kamil Barbarski, Agnès Blondel (Traduction)

Témoignage du ghetto

En 1945, un médecin de l'armée rouge découvre un manuscrit dans les décombres du camp d'Auschwitz, qu'il conserve jusqu'à sa mort en 1983. Sa descendance tente durant des années d'exploiter le document qui parait authentique. En 2008, Le Holocaust Center de Californie, après des examens d'analyse modernes pour confirmer l'authenticité du texte, procède aux étapes de traduction puis d'exploitation éditoriale.

C'est ainsi que le public prend connaissance de l'existence de la petite Rywka Lipszyc, née en 1929 à Łódź, qui a noté scrupuleusement dans son journal ses impressions de jeune adolescente (elle a 14 ans en 1943), prisonnière du ghetto de Litzmannstadt jusqu'à sa déportation en 1944. Ensuite, les événements restent assez vagues. Elle aurait survécu au camp de concentration mais serait morte dans un hôpital à la Libération.

Comme dans le très célèbre Journal d'Anne Frank, on est partagé entre l'émotion provoquée par la lecture - un drame total et une confession poignante face à l'Histoire tragique des hommes - et la faiblesse de l'intérêt littéraire, voire même la faiblesse historique puisque peu d'éléments extérieurs sont racontés. Les pages du journal de l'adolescente Rywka sont inégales et les faits qui la concernent oscillent entre la dure réalité du ghetto et les préoccupations banales d'une fille de son âge. Du coup, l'ennui règne entre deux moments d'intense nostalgie, de saisissement face à cette situation tragique et de recueillement devant ce témoignage.

Curieusement, Lipszyc n'évoque jamais les Nazis malgré la mort de son père (probablement battu à mort) et de sa mère (tombée malade durant l'occupation allemande). Elle se plaint de ces absences traumatisantes tout en décrivant son quotidien d'adolescente ; l'école, l'atelier, les réunions durant les fêtes juives, ses camarades, ses amies proches puis le froid qui déprime la population. Les expéditions punitives, les déportations lui font peur mais sont rares si l'on suit le récit.

Ce texte est frappant par la sensibilité littéraire qui s'y dessine (ce fut le cas aussi pour Anne Franck, ce qui en soi est peut-être logique lorsque l'on décide de tenir un journal). Y figurent des poèmes touchants et des lettres tout à fait charmantes que la narratrice écrit à son amie. Sa sensibilité et son courage ressortent de ces pages dont on rappelle qu'elles furent retrouvées à la Libération, enfouies dans le camp d'Auschwitz ; les lire, 70 ans après, montre à quel point le témoignage écrit à quelque chose d'à la fois indicible et de terriblement concret. L'adolescente polonaise lit beaucoup, écrit bien, remarque et note ce qui l'entoure. Malheureusement, elle fait partie, tout comme Anne Frank son exacte contemporaine, de ces destins tragiques qui ne purent aller au bout de leur talent. Elle meurt à 16 ans. Le journal n'en est que plus triste, que plus fort.

A lire, pour rendre hommage à cette petite victime du régime nazi, personnage désormais emblématique de notre devoir de mémoire.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 03/06/2016 )
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