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Histoire & Sciences socialeset   

Hommage à Madeleine Rebérioux



Texte de Guy Dreux, membre de l'Institut de Recherche de la FSU.

Une historienne, pas seulement une historienne

En 1947, un tract paraît pour protester contre la mort d'ouvriers en grève, abattus par les forces de l'ordre. Le tract évoque la responsabilité de Jules Moch, alors ministre de l'Intérieur, dans cet "assassinat". Ce texte est signé par une jeune normalienne, fraîchement nommée professeur d'histoire, Madeleine Rebérioux. Elle sera alors convoquée par l'inspecteur académique, qui lui conseillera d'employer à l'avenir des formules plus indirectes…

Depuis lors, soixante années de recherches, et mille et un engagements témoignèrent d'une conviction forte, inlassable. A l'évidence, Madeleine Rebérioux appartenait à cette tradition d'intellectuels engagés, dont les activités d'enseignants, de chercheurs ou de militants, étaient totalement intriquées. Depuis donc, des ouvrages nombreux, sur le mouvement socialiste notamment, tout comme de nombreuses prises de position sur la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie, la signature du manifeste des 121, son expulsion du Parti, la cause palestinienne, la Ligue des Droits de l'homme, dont elle a été pendant fort longtemps une figure éminente. Et, bien sûr, Jaurès. Elle lui aura consacré plus de cinquante années de recherche, et travaillait à cette édition des œuvres complètes tant attendue, qui, régulièrement annoncée depuis 1924, a épuisé plus d'un éditeur mais se poursuit aujourd'hui et doit prendre fin en 2008.

Parmi ses multiples engagements politiques et syndicaux, elle avait accepté de présider le conseil scientifique de l'Institut de recherche de la FSU (Fédération Syndicale Unitaire), façon là encore de concilier le travail intellectuel à l'engagement dans le mouvement social. En 2004, sur une proposition de Christian Laval, Madeleine Rebérioux accepte de rédiger une préface pour un recueil de textes de Jaurès sur l'école. Sa présence ici et sa contribution n'avaient rien de fortuit. Dans le cadre de ce travail, en effet, elle s'était montrée rigoureuse, soucieuse de la cohérence du corpus tout en tentant de rendre compte de différents aspects de la pensée de Jaurès, de son évolution. Mais surtout, elle partageait avec "Jean", comme elle pouvait parfois l'appeler, cet attachement aux valeurs du savoir, de la connaissance, et cette conviction que toute émancipation passait par l'émancipation intellectuelle. Elle avait une haute idée de la fonction d'enseignant, à l'image de Jaurès qui, à partir de 1905, décida de s'adresser régulièrement aux instituteurs dans la Revue de l'enseignement primaire.

Son oeuvre d'historienne a donc aussi été celle d'une femme d'action. Elle a illustré ce qu'elle écrivait à propos de Jaurès : "Bref, l'Histoire, ce n'est pas seulement l'Histoire".

Guy Dreux
( Mis en ligne le 08/02/2005 )
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