Histoire & Sciences sociales
Période Moderne de Max Guérout et Thomas Romon
CNRS éditions 2010 / 19 €- 124.45 ffr. / 195 pages
ISBN : 978-2-271-07050-0
FORMAT : 13,5cm x 19cm
Enquête sur un naufrage
Un esclave robuste, dit «pièce d’Inde», s’achète, en 1760 à Madagascar, 30 piastres soit 157 livres, il est revendu 70 piastres à l’arrivée. Le marché est attractif, les bateaux convoient des cargaisons de 200 à 300 «noirs de pacotille» entre Madagascar et l’Île Rodrigue ou l’Île Maurice, dite alors «Île de France». Un navire négrier, «l’Utile», fait naufrage non loin d’une minuscule île au nord de Madagascar, l’Île de sable. Dans les restes du navire, la construction d’une embarcation de fortune est entreprise, qui s’avère trop petite pour emporter l’équipage et la cargaison, la décision est donc prise d’abandonner sur l’île tous les esclaves.
L’ouvrage pourrait être réduit à un livre sur l’esclavage dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, mais les auteurs dépassent ce point de vue et enquêtent sur d’autres paramètres.
L’armement du navire et la programmation d’une telle équipée sont détaillés : la préparation matérielle, la construction, l’équipement de voiles et de canons, le ravitaillement, l’apothicairerie, le recrutement du personnel nous apprennent bien des choses sur l’entreprise que représentait un départ sur les océans à cette époque, pour rallier Bayonne à Foulepointe. La mécanique du naufrage est, elle aussi, soigneusement décrite ainsi que les conditions de survie sur l’île ; une véritable étude archéologique qui tente de reconstituer l’organisation de ces hommes et de ces femmes abandonnés dans un endroit inhospitalier battu par les vents, de comprendre la création d’un puits et la maintenance quotidienne d’un feu alors que l’île ne comporte pas d’arbre…
Un chapitre est consacré à l’univers de la traite malgache, à sa création, à ses coutumes et à ses circuits compliqués. Des zooms destinés à de plus amples précisions scientifiques jalonnent les pages pour nous éclairer sur les tempêtes tropicales, les analyses des ossements ou une cartographie plus élaborée.
Cet abandon, connu de Paris à l’époque, souleva toutes sortes de polémiques qui durèrent 15 ans, et à l’issue desquelles l’enseigne de vaisseau Tromelin recueillit les huit rescapés (sept femmes et un bébé) et donna son nom à cette île dont l’histoire est ici relatée avec une recherche certes toute scientifique, parfois un peu aride, mais intéressante et écrite clairement, en évitant les emportements que le sujet aurait pu permettre.
Dany Venayre
( Mis en ligne le 22/02/2011 )
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