L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

The Politics of Religion in Early Modern France
de Joseph Bergin
Yale University Press 2014 /  / 392 pages
ISBN : 978-0300207699

85 $

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007) ainsi que Monsieur Descartes (Flammarion, 2010).


Politiques de la religion

Livre après livre, l'historien irlandais Joseph Bergin perfectionne une construction historique qui éclaire la France moderne d'une lumière ici focalisée sur le cœur même du sujet, cette compénétration intime du politique et du religieux qui définit ce que nous appelons a posteriori «l'Ancien Régime». Régularité et diversité caractérisent en effet une œuvre commencée avec le cardinal de La Rochefoucauld et dans laquelle Richelieu est comme enchâssé, où l'approche biographique s'est doublée de celle, prosopographique, de l'épiscopat français sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, et où la synthèse se conjugue aujourd'hui avec l'essai.

En 2009, avec Church, Society and religious Change in France. 1580-1730 (Yale University Press), c'est à la présentation d'une l'histoire religieuse mouvementée dans son contexte social, institutionnel et culturel que s'était livré Joseph Bergin en 500 pages qui donnaient à entrevoir, tout en les maintenant très volontairement en marge, les implications politiques qui structuraient la période. Aujourd'hui, en quelque 350 pages, l'historien donne à son lecteur ce qu'il lui devait depuis lors, et le fait sous une forme profondément originale : non une histoire politique de la France de la première modernité mais un itinéraire structuré en douze chapitres ou dossiers : The Politics of Religion in Early Modern France où se trouve parachevé un parcours conduit de main de maître. «Politics of Religion» et non «Politics and Religion», une dissymétrie subtilement illustrée, en couverture, par un détail du tableau de Gérôme montrant les courtisans obséquieusement courbés devant l'indifférente puissance de l'Éminence grise…

L'itinéraire ici proposé inclut l'action politique dans sa brutale réalité comme la subtilité des débats théologiques et religieux, et nous conduit des années 1560 à la mort de Louis XIV où le royaume de France gallican (mais dans quels sens ?) doit admettre, avant de la rejeter tout aussi officiellement la réalité persistante de la diversité confessionnelle, connaître les troubles religieux et les révoltes intérieures, la montée en puissance spectaculaire des aspects fisco-financiers, le mouvement dévot, la crise janséniste, le poids de la personnalité de Richelieu, puis de celle de Louis XIV…

Sur tous ces points et bien d'autres encore, Joseph Bergin nous donne sa lecture dont l'un des intérêts, supplémentaire et indirect, est lié à l'actualité éditoriale : elle se révèle en effet complémentaire de celle que nous livre au même moment et sur le même mode de l'essai-synthèse une autre grande historienne de la première modernité française, Arlette Jouanna (Le Pouvoir absolu, Gallimard, 2013 ; Le Prince absolu, Gallimard, 2014). Pour apprécier l'œuvre de ces deux maîtres, il faut certes une bonne connaissance de l'histoire de France, à partir de laquelle on pourra apprécier les développements tout aussi divergents qu'harmonieux dont elle est susceptible sous la plume de ces historiens, qui, outre leurs propres travaux, fécondent ceux des autres en mettant en relation et donnant sens à la bibliographie sur laquelle ils se fondent, et ne cessent de renouveler pour notre plus grand bonheur le paysage historique.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 02/12/2014 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)