L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Croire et faire croire - Les missions françaises au XVIIe siècle
de Dominique Deslandres
Fayard 2003 /  26 €- 170.3  ffr. / 633 pages
ISBN : 2-213-61229-3
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Claire Laux est maitre de conférences en histoire contemporaine à L'université de Bordeaux III, et l'auteur d'une thèse sur les missions en Océanie.


Le catholicisme conquérant et reconquérant

Le livre de Dominique Deslandres est un ouvrage appelé à faire référence dans l’historiographie des missions françaises, une belle et riche synthèse, au sens où tout y est mené de front : approche théorique et approche par ordres, missions outre-mer et missions de conversions, inspirateurs, théoriciens et hommes de terrain, chocs culturels et politique coloniale, sociologie religieuse et approche événementielle... Le projet est ambitieux et le résultat d’une grande clarté. En dépit de quelques termes très prisés des Nord-américains comme l’horrible verbe «missionner», la lecture de ce Croire et Faire croire est tout aussi agréable que passionnante.

A l’heure où la question des croyances semble de plus en plus reléguée à la sphère du privé, on ne peut que se sentir dépaysé par cette plongée dans une époque où le croire et le faire croire allaient ouvertement ensemble. Le contexte, fort bien posé, est évidemment celui de la contre-réforme, plus souvent désormais appelée réforme catholique car ses objectifs vont bien au-delà de simplement «contrer» la progression protestante. Le concile de Trente ne remet pas simplement de l’ordre et de la discipline dans les dogmes et les structures ecclésiastiques de l’Eglise catholique romaine, il est aussi le point de départ d’un extraordinaire élan missionnaire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Royaume de France, et de l’idée propre au catholicisme que l’on ne peut gagner son Salut qu’en soustrayant d’autres à l’influence du Diable. L’époque étudiée est celle du premier XVIIe siècle, ce qui, ajouté à la spécialisation de l’auteur, professeur à l’université de Montréal, contribue à expliquer l’accent mis sur les relations avec les Amériques et en particulier la Nouvelle-France. La très belle couverture de l’ouvrage et son commentaire en introduction donnent d’ailleurs le ton, puisqu’il s’agit de la reproduction d’un tableau des années 1670, représentant la France, dont la reine Anne d’Autriche est ici l’allégorie, apportant l’Evangile à un Huron de Nouvelle-France. L’Extrême-Orient est alors logiquement le «parent pauvre» d’une étude qui s’arrête avant la fondation en 1663 des Missions Etrangères de Paris et les grandes aventures du règne de louis XIV comme la fameuse affaire du Siam. On regrette un peu toutefois la brièveté avec laquelle est évoquée l’exemplaire figure du père Alexandre de Rhodes.

L’appareil critique est complet et bien conçu, avec en particulier un index thématique et onomastique très utile dans un domaine où théologie, missiologie, histoire coloniale se mêlent étroitement. A la fin du premier chapitre, une série de cartes, un peu difficile à déchiffrer, présente les entreprises missionnaires de la France, décennie par décennie, durant cette première moitié du XVIIe siècle, l’intérêt étant surtout de permettre de constater la nette progression des ordres séculiers. Pour ce qui est des annexes, signalons également la belle série de dessins, pris aux archives départementales de la Gironde, sur la christianisation chez les Iroquois (laquelle ne fut point chose aisée !), la liste des saints vénérés en Nouvelle-France dont les images et souvent les reliques avaient traversé l’océan, qui montre bien l’esprit du concile de Trente, et des textes fort intéressants reproduits dans chaque chapitre. Un ouvrage indispensable donc pour qui s’intéresse aux missions, à l’histoire religieuse ou à l’histoire coloniale.

Claire Laux
( Mis en ligne le 20/02/2004 )
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