L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Le roi Stanislas
de Anne Muratori-Philip
Fayard 2000 /  22.9 €- 150  ffr. / 478 pages
ISBN : 2-213-60617-X

La madeleine de Stanislas

Stanislas Leszczynski (1677-1766), roi malheureux de Pologne, duc bienfaisant de Lorraine et de Bar, est à l’honneur des publications. Après la biographie Stanislas Ier. Un roi fantasque (CNRS, 1999) de Lydia Scher-Zembitska, les éditions Fayard publient à leur tour Le roi Stanislas d’Anne Muratori-Philip. Grand reporter au Figaro, responsable de la rubrique histoire du Figaro littéraire et déjà auteur d’études consacrées à l’Hôtel des Invalides, Anne Muratori-Philip n’en est donc pas à son premier ouvrage, ni même à sa première biographie, puisqu’elle est l’auteur d’un Parmentier paru chez Plon en 1994. Pour autant, cette nouvelle publication ne laisse pas de soulever des interrogations.


A commencer par celles touchant à son sujet, Stanislas Leszczynski dont les tribulations européennes ne sauraient être redites sans répéter les propos de Thierry Sarmant sur ces mêmes pages électroniques. La vie de Stanislas constitue une véritable épopée puisque, roi déchu et vivant de la mansuétude française à Wissembourg, il marie sa fille à Louis XV en 1725, avant de devenir duc de Lorraine et de Bar en 1737 à la suite de tractations entre la France et l’héritier des duchés, François de Lorraine, époux de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. Sa vie tient du roman et cette nouvelle biographie, irriguée par les relations, mémoires et correspondances d’époque, se lit comme tel, et d’un seul trait, mais elle présente de sérieux déséquilibres.


Décédé des suites d’un accident dans sa quatre-vingt-troisième année, Stanislas Leszczynski a eu une longévité exceptionnelle. Il marie sa fille à l’âge déjà avancé de quarante-huit ans. Or Anne Muratori-Philip ne consacre qu’une soixantaine de page à ces quarante-huit années antérieures, alors que la période ducale occupe les deux tiers de l’ouvrage. Si la Lorraine du XVIIIe siècle et l’oeuvre lorraine de Stanislas font l’objet des soins de l’auteur, il n’en va pas de même de la Pologne de la fin du Grand Siècle dont bien des aspects eussent mérité des explications, car moins connus du public.


Plutôt qu’une biographie du roi Stanislas, il s’agit donc ici d’une étude sur le duc Stanislas, perspective que souligne l’absence d’archives polonaises dans les sources consultées, parmi lesquelles les archives royales de Stockholm constituent les seules étrangères. Ce manque reste d’autant moins explicable, que, conçue comme un ouvrage d’accès aisé, cette biographie n’en possède pas moins un appareillage méthodologique intéressant. Outre les traditionnelles cartes, chronologie et bibliographie de la collection, y figurent dûment les fonds d’archives consultés. Des notes explicatives, qui renvoient à la fin du volume, fournissent des précisions, surtout biographiques, fort utiles mais qui ont une fâcheuse tendance à être écrites au futur, temps peu propice à une étude historique.


Parallèlement, l’oeuvre de Stanislas et les événements, politiques ou guerriers, noient quelque peu dans le récit l’activité intellectuelle du roi de Pologne, pourtant auteur de nombreux ouvrages philosophiques et politiques cités dans la bibliographie. Cette activité ne fait jamais l’objet d’une réflexion d’ensemble mais de références ponctuelles qui vont de pair avec une propension à utiliser la légende dorée de Stanislas, comme l’illustre la rencontre avec Charles XII de Suède (p. 32) ou l’épisode relatif au baptême de la madeleine de Commercy (p. 176).


Il n’en demeure pas moins que l’activité lorraine de Stanislas, fantoche très actif de duchés contrôlés par la France, est décrite dans tous ses aspects avec précision. Se démarquant sagement de la chronologie, Anne Muratori-Philip envisage successivement Stanislas dans ses dimensions de bâtisseur de châteaux, de contemporain de Montesquieu et Voltaire mais aussi de fervent catholique ami des Jésuites soucieux du rôle social de l’Eglise, bienfaiteur de la Lorraine en général, qui lui doit un essor de l’éducation, et de Nancy en particulier, redevable de son collège de médecine, de son académie littéraire et surtout de son urbanisme. Nul domaine n’échappe à ce Lorrain d’adoption : des sciences aux fondations religieuses, de la faïencerie à la musique, même l’ambition de faire de Nancy le lieu d’une conférence de la paix prématurément en 1756. Sa mort, empreinte de tragédie et annonciatrice de l’annexion française, renforce le caractère quelque peu hagiographique de l’ouvrage, et obère une interrogation, qui eut été la bienvenue, sur un éventuel revers de la médaille, trop souvent attribué au chancelier-intendant français Chaumont de La Galaizière, réel gouverneur du pays pour le roi de France.


Réalisé sous la tutelle du regretté René Taveneaux, historien du jansénisme, auquel il est dédié, Le roi Stanislas est donc avant tout un hommage à la gloire passée de la Lorraine et du Barrois, dans lequel la madeleine de Stanislas est aussi nostalgique que celle de Proust. Les Lorrains s’en féliciteront peut être, les Polonais beaucoup moins pour lesquels les piètres règnes de Stanislas Leszczynski – il est élu roi une deuxième fois en 1733 – annoncent une longue période de troubles, prélude aux occupations autrichienne, prussienne et russe.

Hugues Marsat
( Mis en ligne le 02/04/2001 )
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