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Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Le Connétable de Bourbon - Le destin tragique du dernier des grands féodaux
de Jean-Noël Brégeon
Perrin 2000 /  20.61 €- 135  ffr. / 290 pages
ISBN : 2-262-01340-3

Charles de Bourbon ou le

Grande figure des règnes de Louis XII et François Ier, à présent oublié de l’histoire, le connétable de Bourbon, y a longtemps tenu le personnage du traître. Né en 1490, Charles de Montpensier, prince du sang, grand chambrier et connétable de France, était devenu par héritage et mariage le maître d’un immense ensemble territorial situé au centre de la France. Grand feudataire, il fut d’abord des mieux placés sur les marches du trône et s’illustra pendant les guerres d’Italie. Mais sa puissance portait ombrage au roi lui-même: disgracié et menacé de perdre une partie de ses biens dans un procès inique, Bourbon passa en 1523 au service de Charles Quint et fut mis à la tête de ses armées. Sa revanche ne tarda pas : deux ans plus tard, son ancien suzerain François Ier, vaincu à Pavie, tombait au pouvoir de l’empereur. En 1527, le connétable tombait devant Rome, alors qu’il commandait les Impériaux qui allaient mettre à sac la Ville éternelle.

Traître à son roi, traître à sa patrie, le connétable a été jugé sans complaisance par les historiens du XIXè siècle. Jean-Noël Brégeon entreprend ici une réhabilitation de ce prince. Honnêtement documentée et bien écrite, sa biographie se lit avec plaisir, mais laisse quelque peu en suspens la question de fond. Rebelle ou traître, le Connétable ? Un peu des deux sans doute, aux yeux mêmes de ses contemporains. Ne serait-il pas le dernier de ces princes territoriaux, dont la splendeur caractérise le Moyen Age et dont l’abaissement était indispensable au triomphe de la monarchie capétienne ? Serait-il, comme Charles le Téméraire, un ultime avatar de "l’automne du Moyen Age", condamné à disparaître par le sens de l’histoire ? L’auteur se rallie peu ou prou à cette explication "tragique" de l’existence du duc de Bourbon.

Cependant, les jugements plus nuancés de ceux des auteurs d’Ancien Régime qui n’étaient point directement intéressés à la glorification de la monarchie capétienne viennent à propos nous rappeler qu’après le Connétable, d’autres princes rebelles surgirent fort près de la Couronne, tel un François d’Alençon ou un Gaston d’Orléans. Tout au long de l’Ancien Régime et au-delà, une jalousie essentielle sépara la branche aînée de la maison royale de ses cadettes : la rivalité des Orléans et des Bourbons, de Louis XIV à Louis-Philippe, est un moteur de notre histoire, avant comme après la Révolution.

Replacée dans ce contexte, la trahison du Connétable prend un sens beaucoup moins tragique. C’est la mort prématurée du héros, arrêtant pour jamais le cours des possibles, qui le fige pour jamais sous la bannière des Habsbourg, au service de l’ennemi héréditaire. Quant à la conception familiale et patrimoniale de la politique, dont le Connétable serait un ultime tenant, elle n’est pas morte sous les murs de Rome, mais presque quatre siècles plus tard dans les tranchées du premier conflit mondial, quand l’Europe des rois eut définitivement laissé place à l’Europe des nations.

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 23/02/2000 )
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