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Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Correspondance générale - Tome 6 - Vers le Grand Empire, 1806
de Napoléon Bonaparte et Collectif
Fayard 2009 /  53.90 €- 353.05  ffr. / 1480 pages
ISBN : 978-2-213-64385-4
FORMAT : 15,5cm x 24cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban : l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).

''Je suis Charlemagne''

L’année 1806 peut être considérée comme l’apogée de la carrière de Napoléon. Au lendemain d’Austerlitz, l’empereur est le maître de l’Europe occidentale, un nouveau Charlemagne. «Pour le pape, je suis Charlemagne, parce que, comme Charlemagne, je réunis la couronne de France à celle des Lombards et que mon Empire confine avec l’Orient» (au cardinal Fesch, 7 janvier 1806, repris en substance le 14 février).

C’est alors que naît l’idée du «Grand Empire», expression bien connue des manuels, mais dont il n’est pas inutile de rappeler qu’elle vient sous la plume de l’empereur lui-même, qui parle à Talleyrand d’un «projet d’organisation du Grand Empire» (3 mars 1806). Sous ce nom, Napoléon embrasse l’Empire français proprement dit et les États qui lui sont soumis, dont il pense faire une véritable fédération : «Nous nous réservons de faire connaître par des dispositions ultérieures les liaisons que nous entendons qui existent après nous entre tous les États fédératifs de l’Empire français. Les différentes parties indépendantes entre elles, ayant un intérêt commun, doivent avoir un lien commun» (au Sénat, 12 janvier 1806). Même discours à Joseph, deux semaines plus tard : «Mon intention est de mettre le royaume de Naples dans ma famille. Ce sera, ainsi que l’Italie, la Suisse, la Hollande et les trois royaumes d’Allemagne, mes États fédératifs, ou véritablement l’Empire français» (à Joseph, 27 janvier 1806). Le Grand Empire doit donc être une fédération, mais une fédération de membres inégaux, où la France gardera la prépondérance.

Ce Napoléon, qui a revêtu les défroques de l’ancienne monarchie, qui partout élève des trônes et des grands fiefs, est-il l’homme d’un nouvel absolutisme ? C’est ce que nous donnerait à penser une observation superficielle, mais le vocabulaire et le ton sont trompeurs. À l’extérieur, le projet du Grand Empire ne fait que continuer celui de la Grande Nation et de son cortège de Républiques-sœurs. À l’intérieur, le monarque se défie des nobles et des prêtres. A le lire, c’est là, bien plutôt que du côté des jacobins, que semblent résider les grands foyers d’opposition. Pie VII résiste-t-il à sa politique, l’Empereur menace : «je réduirai le pape à être l’évêque de Rome» (7 janvier 1806). A Fouché, il demande «le nom des individus de l’ancienne noblesse qui se comportent mal» (7 avril 1806). En 1806, le despotisme de Napoléon, c’est le Code civil répandu dans toute l’Europe, l’intégration des juifs, l’esprit profondément irréligieux du gouvernement. C’est bien la Révolution qui se poursuit et imprime sa marque sur la société.

C’est dire qu’avec ce sixième volume de la Correspondance générale de Napoléon l’intérêt ne faiblit pas, bien au contraire. Le héros montre cent visages, tantôt dur et tyrannique, tantôt enjôleur, tantôt mégalomane, tantôt administratif et tantôt visionnaire. Curieux despote qui, dans une lettre à Joséphine, cite de mémoire le Jean-Jacques Rousseau de La Nouvelle Héloïse

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 25/08/2009 )
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