L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Récits de fête en Provence au XIXe siècle - Le préfet statisticien et les maires ethnographes
de François Gasnault , Pierre Gombert , Jacqueline Ursch , Félix Laffé et Collectif
Archives départementales des Bouches-du-Rhône Silvana Editoriale 2010 /  35 €- 229.25  ffr. / 430 pages
ISBN : 978-88-366-1757-9
FORMAT : 26,2cm x 18,3cm

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007) ainsi que Monsieur Descartes (Flammarion, 2010).

Plus qu'une histoire locale

Nous sommes à Marseille sous la Restauration. De son bureau préfectoral, le comte Christophe de Villeneuve Bargemont entend apporter sa contribution à l’œuvre d’un régime qui veut effacer les traces des périodes funestes qui l’ont précédé et promouvoir le progrès en matière économique : il s’adresse aux maires et les met à contribution pour dresser un état de son département qui sera publié en quatre volumes, de 1821 à 1829, sous le titre de Statistique du département des Bouches-du-Rhône. Tout historien de la région connaît cette remarquable synthèse qui éclaire son présent par le rappel du passé.

En 1820, puis à nouveau en 1825, l’enquête qui porte sur l’«état moral» des populations s’intéresse aux aspects festifs de leur vie : ses résultats, qui sont à rechercher au livre 5 de la Statistique, publié dans le tome II, avaient fait le bonheur des folkloristes et ethnologues. La démarche est d’ailleurs à replacer dans un plus large contexte de descriptions encyclopédique dont Villeneuve est l’héritier : le docteur Achard et sa Description de la Provence ou encore Aubin-Louis Millin et son Voyage dans les départements du Midi de la France. Mais la Statistique impulsée par le préfet est une œuvre collective dont les archives permettent de suivre l’élaboration.

En effet, dans les papiers de Villeneuve comme dans les archives des communes, se trouvent les réponses adressées à l’enquête du préfet. Retourner aux sources, les exhumer les présenter et les publier, tel est le dessein du volume que l’on doit à l’équipe des archives départementale des Bouches-du-Rhône, dont la qualité de l’édition et la beauté de l’illustration sont appelées à faire référence. Précédée de cinq études d’historiens, ethnologues et géographes, l’édition des réponses conservées (parmi lesquelles Marseille fait malheureusement un défaut) constitue un corpus d’où se dégage une appréhension renouvelée des pratiques festives et d’une identité provençale qui retrouve une authenticité que la littérature a souvent ternie. Les apocryphes «treize desserts» disparaissent dans la légende de fêtes religieuses remises en situation, tandis qu’apparaît tout un pan méconnu de fêtes profanes et gymniques.

On voit donc tout ce qu’il y a, non à glaner, mais à moissonner dans ces documents dont l’intérêt excède très largement une histoire «locale» qui joue pleinement son rôle de construction et de vérification de l’histoire «générale». En 1976, Michel Vovelle publiait Les Métamorphoses de la fête en Provence de 1750 à 1820 ; l’histoire se poursuit aujourd’hui avec ce beau volume lui-même porteur de développements futurs.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 30/11/2010 )
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