L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

L’occupation allemande en France 1940-1944
de Ahlrich Meyer
Privat 2002 /  25 €- 163.75  ffr. / 235 pages
ISBN : 2708956930

L’occupation allemande en France

Depuis les travaux fondateurs d’Eberhard Jäckel et de Robert Paxton, la production historiographique étrangère sur la France des années noires est regardée moins suspicieusement par la communauté historienne nationale. Reposant sur les archives américaines et allemandes longtemps laissées de côté par les chercheurs français, de nouveaux chantiers ont été ouverts depuis lors, notamment au sujet de la politique du Reich à l’égard de la France vaincue. L’ouvrage de Barbara Lambauer, Otto Abetz ou l’envers de la collaboration, a, plus récemment encore, largement contribué à en renouveler l’approche, du point de vue de la mise en place de la collaboration et de la répression des juifs. La connaissance historique s’enrichit aujourd’hui de la contribution d’un universitaire allemand, Ahlrich Meyer, qui a revisité l’histoire de L’occupation allemande en France à partir des dossiers de police et des rapports de la Wehrmacht, encore fort peu utilisés.

À travers une relation chronologique de l’occupation, l’auteur brosse, par petites touches, le portrait d’une politique allemande de répression inscrite dans une grande continuité d’intentions et de moyens, malgré le poids supposé de cycle infernal « attentats-répression ». Plus qu’à sa dénaturation, cet engrenage contribue plutôt à la radicalisation interne du système répressif, accentuée il est vrai par le transfert des pouvoirs policiers de l’administration militaire au chef supérieur des S.S. et de la police. La terreur de l’année 1944 illustre tragiquement cette précipitation de la violence allemande dont la réalité de la mise en œuvre incombe presque exclusivement aux S.S. Pour autant, Meyer insiste sur la responsabilité de l’armée allemande dans les crimes perpétrés lors des premières années d’occupation et ébranle au passage l’idée reçue d’une attitude plus «propre» de celle-ci envers la population française.

À cet égard, ce livre offre le mérite de faire apparaître le lien qui existe entre la répression des résistants français et la persécution des juifs. Elles sont les expressions diversifiées d’un même processus d’occupation et de mise au pas. De la volonté de déchéance des immigrants juifs de leur nationalité française aux rafles de Marseille en janvier 1943, des débuts de la traque de la résistance communiste à l’ «opération Luna», on assiste à l’établissement de toute une « administration de surveillance » puis de répression, dont le zèle et le perfectionnisme le disputent à la plus grande indifférence morale. On chemine un peu plus loin encore dans l’horreur avec la longue évocation du massacre d’Oradour-sur-Glane où, à l’appui d’archives et de dépositions inédites, le simple soldat allemand prend le visage du bourreau cruel et médiocre.

On peut se montrer reconnaissant envers les éditions Privat d’avoir permis la traduction de l’ouvrage d’Ahlrich Meyer. S’il ne donne pas une vision d’ensemble des crimes de guerre commis pendant l’occupation, il permet en revanche de mieux comprendre le dispositif de répression allemand, ses rivalités internes au principe de la répartition des pouvoirs entre les différentes instances militaires. Il facilite enfin la réfutation de l’idée d’une escalade exclusivement cyclique de la terreur au profit de l’influence des objectifs prioritaires de l’occupation sur ceux de la seule répression.

Jérôme Cotillon
( Mis en ligne le 03/02/2003 )
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