L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Lendemains d'Empire - Les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle
de Natalie Petiteau
Boutique de l'histoire 2003 /  22 €- 144.1  ffr. / 396 pages
ISBN : 2-910828-29-8
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse intitulée "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" de Strasbourg II.

Natalie Petiteau collabore à Parutions.com.


La reconversion des grognards, une belle étude sociologique

Après la guerre, que faire des anciens guerriers ? Cette question, aussi vieille que les conflits eux-mêmes, s’est toujours posée aux gouvernants. Rome faisait d’eux des «vétérans», des paysans-soldats, continuant à utiliser leurs services pour le bien de l’Etat, dans le domaine économique, mais aussi militaire (ils appartenaient à une sorte de réserve) et surtout comme agents de la romanisation des provinces de l’Empire. En d’autres temps, la «reconversion» de ceux qui «avaient bien mérité de la cause» (à défaut encore de «patrie») s’avéra plus difficile : les grandes compagnies, soudards désœuvrés et qui désolaient villes et campagnes de France au cours des trêves entre Valois et Plantagenet, furent souvent mis à la raison manu militari. Pourtant, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle le nombre de ces anciens soldats, surtout si on le rapporte à celui de la population, resta somme toute limité.

Avec la Révolution et l’Empire, la France – et à sa suite l’Europe – entre dans l’ère des guerres de masse. C’est bientôt en millions que se comptent les combattants qui participent aux affrontements des guerres de coalitions sur une vingtaine d’années. L’expérience de la guerre est d’abord celle de l’aventure, du voyage, avec parfois ses agréments, et la transgression autorisée des interdits traditionnels (les armées françaises, elles aussi, se signalent par de multiples exactions, du Portugal à la Russie). Mais la guerre vécue est aussi, bien sûr, souffrance, maladie, peur, mort. La plupart de ces soldats des armées révolutionnaires et de la «Grande armée», «soldats de l’An II», «grognards» ou «Marie-Louise», ne sont pourtant que de passage dans ces formations militaires gigantesques. Il leur faut ensuite se réinsérer dans une société française qui ne les voit pas revenir d’un bon œil dans les années 1815-1830. La Restauration tente alors de faire oublier à l’Europe les excès du militarisme français comme aussi ses gloires et de réduire au silence les plus fidèles défenseurs des régimes précédents.

Les destins individuels des anciens soldats de l’Empereur sont alors très variés : certains ne peuvent se résoudre à abandonner l’uniforme et demeurent dans l’armée ou choisissent la gendarmerie, souvent sans d’autre alternative d’ailleurs ; d’autres changent complètement de vie, quittant leur village pour de nouvelles aventures, dans la sphère économique cette fois ; d’autres encore, le plus grand nombre, se réinsèrent dans la société – notamment paysanne – à la place exacte qu’ils avaient quittée dix, quinze ou vingt ans auparavant. Au-delà de cette diversité ils forment tout de même pour la première fois, un véritable groupe social. Respecté sous Louis-Philippe, celui-ci est enfin reconnu et choyé sous le Second-Empire, qui l’instrumentalise et lui accorde honneurs et subsides. Les vétérans ont en effet contribué largement à entretenir tout au long du siècle la légende napoléonienne, même si l’auteur nous invite à relativiser dans bien des cas leur rôle proprement politique. Les derniers survivants verront même les débuts de la IIIe République.

En croisant des sources très variées (archives nationales, de l’armée de terre, de la Légion d’honneur, départementales, mémoires) Natalie Petiteau, professeur à l’université de Poitiers, nous offre ici l’une de ces synthèses qui feront date. On peut la comparer au travail d’Antoine Prost sur les anciens combattants de 1914-1918 dans la France de l’entre-deux-guerres. Il reste maintenant à espérer que des études locales nombreuses – l’auteur s’appuie surtout sur les cas du Doubs et du Vaucluse - viendront contribuer à une connaissance plus pointue encore de ce groupe social.

Jean-Noël Grandhomme
( Mis en ligne le 01/12/2003 )
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