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Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Nouvelle histoire du Premier Empire - Tome 2 - L'effondrement du système napoléonien 1810-1814
de Thierry Lentz
Fayard 2004 /  26 €- 170.3  ffr. / 681 pages
ISBN : 2-213-61944-1
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu: Natalie Petiteau, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Poitiers, est historienne de la société du XIXe siècle et de la portée des années napoléoniennes. Elle a notamment publié Napoléon, de la mythologie à l'histoire (Seuil, 1999) et Lendemains d'Empire: les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle (Boutique de l'histoire, 2003).
Elle est par ailleurs responsable éditorial du site http://www.calenda.org.


Apogée et déclin du «système napoléonien»

Cet ouvrage fait suite à un premier volume consacré à Napoléon et la conquête de l’Europe, qui couvrait les années 1804-1810. Il est dans la lignée de la série ouverte en réalité par Le Grand consulat et il vise à proposer au grand public une approche renouvelée de ces années au sujet desquelles tant d’ouvrages ont déjà été publiés. Le pari est relevé en prenant le biais d’une histoire de l’Empire et non pas de Napoléon, sage prudence à l’heure où se multiplient de nouveau les grandes biographies de l'empereur – citons bien sûr Luigi Mascilli Migliorini et Steven Englund.

L’idée directrice du travail de Thierry Lentz est de mettre en évidence le fonctionnement de ce qu’il nomme le «système napoléonien» : après donc avoir montré, dans le volume I, la construction de l’Empire, il s’agit ici de poursuivre l’histoire de ce système en mouvement, c’est à dire celle des conquêtes puis des défaites françaises, sans omettre une «pause dans la chronologie» pour étudier les institutions, la société et l’économie du Grand Empire. Au total, une approche classique qui, en dépit d’une césure chronologique peut-être inhabituelle, ne déroutera pas le lecteur déjà nourri d’autres histoires de l’Empire.

Car il y retrouvera soigneusement détaillé tout l’événementiel déjà bien connu, en descendant à un degré de détails dont on se demande parfois quelle en est l’utilité (ainsi à propos de la naissance du roi de Rome, pourquoi donc préciser : «les connaissances médicales de l’époque ne permettaient pas de prévoir le sexe de l’enfant avant qu’il soit au monde»…). Pour le reste, Thierry Lentz fait preuve d’un art du récit qui permet de suivre sans lassitude l’apogée et le déclin du «système».

La première partie est consacrée aux crises, et fait un bilan sur l’apogée géographique de l’Empire et les pouvoirs attribués aux Napoléonides. L’organisation territoriale et institutionnelle de l’Empire est ainsi minutieusement présentée, de même que le fonctionnement du «système» dans ses liens avec les confédérés et les alliés. Ce qui permet de passer en revue la situation de l’Allemagne, de la Prusse, et de l’Autriche. Sans oublier le cas de l’outre mer, que Thierry Lentz expose clairement tout en mettant en évidence le fait que cet espace est précisément hors du «système», lequel est entre autre fondé sur le blocus continental. Or, outre mer, la période sonne la fin des colonies françaises tandis que les Français sont exclus de la Méditerranée. On appréciera ici les pages que Thierry Lentz consacre aux liens entre la France et les Etats-Unis. Mais si le «système» est en crise, cela tient aussi bien sûr à la situation dans la péninsule ibérique, sur laquelle l’auteur revient longuement et clairement, en s’appuyant notamment sur les travaux de Jean-René Aymes et de Richard Hocquellet. La crise tient enfin à la guerre avec la Russie en gestation depuis la dégradation des relations avec ce pays dès la fin de 1810.

La deuxième partie, portant sur la débâcle, est presque entièrement consacrée à la campagne de Russie, en une présentation toujours claire et bien menée d’un événementiel précis, sans que soient négligées les explications des engrenages du conflit. La situation en France pendant la campagne n’est bien sûr pas oubliée, et le chapitre XI offre une utile mise au point sur l’affaire Malet. Les tractations diplomatiques entre les puissances européennes en vue d’une totale recomposition des alliances sont également fort bien exposées.

La troisième partie insiste sur le fait qu’à partir de 1813, c’est toute l’Europe qui se dresse contre le système napoléonien, qui défaille définitivement en Espagne d’abord, puis en Allemagne. Après quoi, pour la première fois depuis la Révolution, le territoire français se trouve menacé puis même envahi, ce qui encourage, souligne Thierry Lentz, le réveil des oppositions. L’échec de la campagne de France ouvre la voie à la liquidation du système par les alliés et les partisans de Louis XVIII. Cette partie s’achève sur un chapitre proposant les réflexions de l’auteur sur le système napoléonien, sur le sens des guerres qui ravagent alors l’Europe ; en ces pages réside la vraie novation de l'ouvrage.

Car on s’étonne par ailleurs que le travail soit fondé souvent sur des auteurs fort anciens, Frédéric Masson ou Jacques Bainville, par exemple, mais aussi Georges Pariset. L’auteur ignore presque toujours la bibliographie récente des jeunes chercheurs – de plus en plus nombreux fort heureusement - qui renouvellent actuellement l’histoire de l’Empire. Pour le reste sont utilisés les mémorialistes les plus célèbres, Mollien, Savary, Pasquier, Chaptal, etc, et, pour ce qui est des sources primaires, sur la correspondance de Napoléon et quelques rares liasses de la célèbre série F7 des archives nationales.

Mais il est évident qu’au niveau de la synthèse, on ne peut pas demander à un auteur de renouveler les approches archivistiques du sujet. Reconnaissons donc qu’en la matière et pour ce qui est de la clarification de l’histoire de la période, Thierry Lentz rend de très grands services par la clarté de son propos et l’élégance de son style. Mission accomplie, donc.

Natalie Petiteau
( Mis en ligne le 27/09/2004 )
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