Histoire & Sciences sociales
Période Contemporaine de Thierry Lentz , Bernard Chevallier , Michel Dancoisne-Martineau et Collectif
Fayard 2005 / 80 €- 524 ffr. / 398 pages
ISBN : 2-213-62645-6
FORMAT : 28,0cm x 36,0cm
L'auteur du compte rendu : Agrégé d’histoire et titulaire d’un DESS d’études stratégiques (Paris XIII), Antoine Picardat est professeur en lycée et maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Ancien chargé de cours à l’Institut catholique de Paris, à l’université de Marne la Vallée et ATER en histoire à l’IEP de Lille, il a également été analyste de politique internationale au ministère de la Défense.
Petit lieu d'une grande histoire
«Sainte-Hélène. Petite isle.» Un jugement lapidaire porté par le jeune Buonaparte dans un de ses cahiers, alors qu’il était élève à l’École militaire. L’adolescent, déjà pressé, va à l’essentiel. Mais que de gens se sont penchés sur cette petite île ! Au moment d’ouvrir ce Sainte-Hélène. Ile de mémoire, on croit que cela ne va être qu’un «beau livre». Et bien on se trompe. Attention ! C’est en effet un très beau livre. Mais c’est surtout un bon, un très bon livre d’histoire. Et le fruit d’un travail énorme que l’on peut résumer par un chiffre : une bibliographie de 1726 références !
Il s’agit d’une étude magistrale, sur un sujet à priori limité. «Sainte-Hélène. Petite île.» Petite vie, petits horizons malgré les apparences et l’immensité de l’océan, où que porte le regard. Qu’on y pense ! Napoléon enfermé sur cette île, soumis aux vexations d’un geôlier haineux. Napoléon en chapeau de paille, jardinant dans le potager de Longwood… Napoléon dictant ses mémoires à Las Cases, Bertrand, Gourgaud et Montholon. Napoléon refaisant cent fois Waterloo, et gagnant cent fois. Napoléon maintenant autour de lui une tragique et dérisoire étiquette, avec officiers en grand uniforme ou domestiques en livrée. Napoléon arbitrant les querelles et les rivalités que l’ennui et la jalousie font naître dans son petit entourage. Et bien d’autres choses. Que peut-il y avoir de si passionnant à écrire là dessus ? Énormément de choses. C’est la magie, le mystère de Sainte-Hélène.
Julien Sorel dans Le Rouge et le noir, lisant en cachette Le Mémorial de Sainte-Hélène. Les romantiques, méditant sur le sort de ce géant cloué au rocher et rongé par le cancer et les regrets. Jean-Paul Kauffmann écrasé par son sujet dans La Chambre noire de Longwood. Les témoignages sur la force de Sainte-Hélène sont innombrables. Sainte-Hélène. Ile de mémoire permet à chacun d’approcher cet endroit mythique, de comprendre la force de ce lieu habité par le drame qui s’y est déroulé.
Sous la direction de Bernard Chevalier, Michel Dancoisne-Martineau et Thierry Lentz, ont travaillé dix auteurs, dix spécialistes de l’Empire et de Sainte-Hélène. Ils livrent 21 chapitres qui abordent tous les aspects de ce fascinant épisode. On y parle bien sûr de Napoléon : le choix de la petite isle, la captivité, la vie quotidienne, le mobilier, la bibliothèque, les mémorialistes, le Retour des Cendres ou encore la médaille de Sainte-Hélène. On y présente l’histoire de Sainte-Hélène, où l’on découvre qu’elle fut un lieu de détention pour d’autres : chef zoulous ou boers à la fin du XIXe siècle. On y décrit la vie quotidienne aujourd’hui, on s’y intéresse à la Tombe et aux Domaines français de Sainte-Hélène. Et oui ! Il y a là bas un morceau de France. Comme le tertre de Zuran, d’où Napoléon dirigea la bataille d’Austerlitz (il fut offert par la Tchécoslovaquie après la Première Guerre mondiale), la maison de Longwood, le pavillon des Briars et la Tombe sont aussi français. Ils ont été achetés par Napoléon III à l’Angleterre, qui ne fit, jusqu’au bout, aucun cadeau… La France y entretient même une représentation officielle permanente ! Onze conservateurs des Domaines français de Sainte-Hélène se sont succédés depuis 1858. L’actuel conservateur, Michel Dancoisne-Martineau, est l’un des co-directeurs de l’ouvrage.
Décidément, cette île est pleine de surprises. Ce livre les révèle et les explique. De l’anecdote à l’histoire, du pittoresque au sérieux. Il apporte la connaissance et la compréhension. C’est à dire la matière indispensable pour que Sainte-Hélène soit vraiment cette «île de mémoire» qu’annonce le sous-titre.
Antoine Picardat
( Mis en ligne le 09/12/2005 )
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