L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

La Garde impériale - 1804-1815
de Alain Pigeard
Tallandier - Bibliothèque napoléonienne 2005 /  35 €- 229.25  ffr. / 637 pages
ISBN : 2-84734-177-3
FORMAT : 19,0cm x 26,0cm

L'auteur du compte rendu : Agrégé d’histoire et titulaire d’un DESS d’études stratégiques (Paris XIII), Antoine Picardat est professeur en lycée et maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Ancien chargé de cours à l’Institut catholique de Paris, à l’université de Marne la Vallée et ATER en histoire à l’IEP de Lille, il a également été analyste de politique internationale au ministère de la Défense.

Anatomie des Immortels

L’époque est incontestablement faste pour les amateurs de l’Empire : les livres sur la période, sur tous les thèmes, se bousculent sur les rayons des librairies. Les questions militaires occupent évidemment une large place dans cette profusion. D’abord parce que la guerre a été une activité majeure du Premier empire, ensuite parce que deux siècles plus tard les exploits de la Grande Armée suscitent toujours l’admiration ; et se vendent bien.

Alain Pigeard est l’un des meilleurs spécialistes actuels des guerres napoléoniennes et il a déjà de nombreux ouvrages à son actif. Dès 1981, il avait participé au guide Napoléon, outil indispensable pour qui veut voyager en mettant ses pas dans ceux de l’Empereur, de ses soldats et des souvenirs qui s’y rattachent. Il a récemment publié chez Tallandier un Dictionnaire de la Grande Armée (2002) et un Dictionnaire des batailles de Napoléon (2004). L’un et l’autre sont des sommes impressionnantes d’érudition, souvent fort technique dans le premier. Curieux, reconstitutionistes ou joueurs de wargames peuvent y trouver les réponses à bien des questions qu’ils se posent.

La visite guidée se poursuit avec La Garde impériale : un mythe dans le mythe. La Garde elle aussi fascine depuis deux siècles, mais elle continue surtout d’impressionner et dissuade qu’on s’y attaque. La bibliographie présentée par Alain Pigeard nous apprend en effet qu’il existe bien un certain nombre de monographies sur tel ou tel régiment de la Garde, mais depuis le classique La Garde impériale du commandant Lachouque, paru pour la première fois en 1956 et plusieurs fois réédité, on ne trouve pas d’étude d’ensemble. Le présent livre est donc presque une nouveauté. Surtout, Alain Pigeard adopte une approche très différente de celle de son illustre prédécesseur. Là où Henri Lachouque avait choisi un plan chronologique, racontant l’histoire de la Garde, Alain Pigeard a opté pour un plan thématique. En 11 parties et 42 chapitres, il étudie une à une toutes les composantes de la Garde : l’administration et l’état-major, l’artillerie, l’infanterie, la cavalerie, la gendarmerie, le génie, la marine, les unités rattachés provisoirement à la Garde, etc. Chaque type d’unités est traité en un chapitre : les grenadiers à pied, les flanqueurs-grenadiers, les célèbres et pittoresques mameluks, etc. Sont expliquées l’origine des unités, l’évolution de leur composition ou encore leur participation aux campagnes et aux batailles. Il s’agit donc d’un travail minutieux, méthodique et très complet qui constitue bien une visite guidée. L’ouvrage peut se lire au fil des pages ou l'on peut y piocher des renseignements sur un corps précis. Une partie récapitulative termine cette impressionnante recension sous la forme d’un récit classique des campagnes de la Garde, de l’Italie en 1800 lorsqu’elle était garde des Consuls, à la Belgique et Waterloo en 1815. Enfin, 17 annexes fournissent encore des informations techniques précieuses comme la composition et l’évolution des unités de la Garde, les officiers tués, la liste des textes réglementaires et administratifs concernant la Garde ou le tableau des grades.

Irréprochable sur l’érudition, le livre d’Alain Pigeard laisse en revanche insatisfait au plan de la réflexion. Des questions importantes auraient en effet pu être traitées. Il aurait ainsi pu consacrer quelques pages à la place de la Garde dans la Grande Armée. Alain Pigeard cite en exergue une phrase de Napoléon disant qu’il veut un corps privilégié qui soit un modèle, pas une bande de janissaires ou de prétoriens, mais il ne va pas plus loin dans ce sens. Proche de l’Empereur, choyée, rarement engagée, terriblement jalousée, la Garde est respectée, admirée mais souvent mal aimée des autres corps qui par ironie surnomment ses membres les «Immortels», car, au moins pendant les premières campagnes, ils sont rarement exposés au feu. C’est en tout cas ce que l’on croit savoir en général. Qu’en était-il vraiment ? Que signifiait être de la Garde ?

Un autre problème qui aurait mérité d’être vraiment traité est de savoir pourquoi la Garde a conservé une telle aura depuis deux siècles. Bien sûr, la charge de Rapp à Austerlitz ou celle des Polonais à Somosierra, les adieux de Fontainebleau ou les carrés de Waterloo résonnant du mot de Cambronne sont des épisodes, parmi d’autres que l’on trouve racontés dans les cahiers de Coignet par exemple, dignes de frapper les imaginations. Mais il y a sans doute plus. Une amorce de réponse se trouve dans l’avant-propos, mais elle reste à l’état d’ébauche : une unité intimement liée à la personne d’un souverain. Et quel souverain ! La Garde rassemblerait donc la double fascination pour Napoléon, dont elle fut l’ombre amoureuse, et la Grande Armée, dont elle fut l’élite terrifiante qui faisait trembler l’ennemi par sa seule présence.

Avec le livre d’Alain Pigeard, la description est faite, comme une sorte d’anatomie. Attendons maintenant une étude historique sur les autres dimensions de la Garde, qui donne vie à ce corps et permette de réellement le comprendre.

Antoine Picardat
( Mis en ligne le 05/05/2006 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)