L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Nouvelle histoire du Premier Empire - Tome 3 - La France et l'Europe de Napoléon 1804-1814
de Thierry Lentz
Fayard 2007 /  30 €- 196.5  ffr. / 835 pages
ISBN : 978-2-213-63416-6
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié : Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (Champ Vallon, 2003).

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Le cycle napoléonien ouvert par Thierry Lentz en 1999 avec Le Grand Consulat se poursuit avec un quatrième volume, avant-dernier de la série. Après deux volumes chronologiques (1804-1810 et 1810-1814), l’auteur arrive au cœur de son sujet, un volume de synthèse qui aborde l’ensemble des questions politiques, économiques, sociales et culturelles de l’époque. L’accent est mis sur l’histoire de l’Etat, sur ses institutions, son action intérieure sur la société et l’économie, son action extérieure sur l’Europe. C’est l’occasion de dresser un bilan général des études napoléoniennes des trente dernières années : T. Lentz met en œuvre une bibliographie considérable et qui s’étend bien au-delà des napoleonica, à l’histoire de l’Etat en France et à la science politique.

Au rebours de ceux qui font du régime napoléonien un simple «intermède», un accident historique, T. Lentz le comprend comme une continuation de la Révolution. Continuation autoritaire et desséchée, mais continuation tout de même. L’adhésion des masses tient à ce que Bonaparte allie retour à l’ordre et préservation des conquêtes juridiques et sociales de la Révolution. Le tournant idéologique «néo-absolutiste» pris par Napoléon avec le temps est le fait du seul empereur ; il ne correspond nullement à une attente des élites ou du peuple. Il n’a pas empêché que l’Empereur ne cesse d’être considéré par les autres monarques de l’Europe comme un «Robespierre à cheval».

Régime autoritaire civil plutôt que dictature militaire, l’empire de Napoléon démontre une grande solidité intérieure, que l’on peut imputer aux talents d’organisateur du maître comme à l’approbation de la majorité des Français. La chute vient du dehors, des défaites militaires de 1813 et 1814. Thierry Lentz voit en Napoléon un machiavélien qui a fini par oublier les conseils de prudence de l’auteur du Prince pour ne plus se fier qu’à sa seule virtù. A l’intérieur, dans une France recrue d’épreuves après dix années de troubles civils, son appétit de puissance n’a pas rencontré d’obstacles. Sa grande faute, c’est d’avoir voulu être aussi dominateur à l’extérieur qu’il l’était à l’intérieur. En soumettant l’Europe aux seuls intérêts du «Grand Empire», il a privé la France d’alliés véritables. Privé d’esprit fédérateur, le conglomérat formé par l’Empire français et ses Etats vassaux s’est disloqué au premier revers important. La leçon vaut pour tous les temps : l’hégémonie qui veut durer doit se transformer de système de domination en système de collaboration.

Gageons que pendant une vingtaine d’années, pour les historiens de l’Europe napoléonienne comme pour les historiens du fait politique en France, ce volume fera figure de référence.

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 01/10/2007 )
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