L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Quand Napoléon inventait la France - Dictionnaire des institutions politiques, administratives et de cour du Consulat et de l'Empire
de Thierry Lentz et Collectif
Tallandier - Bibliothèque napoléonienne 2008 /  49 €- 320.95  ffr. / 770 pages
ISBN : 978-2-84734-410-3
FORMAT : 17,5cm x 25cm

L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye, professeur agrégé d’histoire, poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV à l’Université Paris-VIII.

L’ancien régime et la Révolution

La fondation Napoléon, en collaboration avec la maison d’édition Tallandier, œuvre au renouveau des études napoléoniennes délaissées depuis trop longtemps par les historiens. Raison de plus pour saluer la parution du nouvel opus de la Bibliothèque napoléonienne qui tente de faire le point sur un nouveau champ d’investigation historiographique - et pas des moindres, puisqu’il s’agit grâce à un dictionnaire des institutions de mieux comprendre la monumentale construction administrative entreprise sous le Consulat et l’Empire. En effet, si le génie guerrier du petit Corse fait toujours la fierté des armées, le principal héritage qui structure encore la vie des Français demeure bel et bien l’administration napoléonienne, du préfet au maire en passant par le conseil des prud’hommes.

Cependant le titre de l’ouvrage, Quand Napoléon inventait la France, ne donne pas à sentir toute la nuance du projet consulaire puis impérial. Au fil des centaines de notices, agrémentées de références bibliographiques pas toujours exhaustives, on comprend qu’il s’agit moins d’une création ex nihilo que d’une reformulation intégrale du passé administratif français. Après le coup d’État du 18 brumaire, Bonaparte, en génie réaliste, a toujours tempéré son pouvoir sans partage par son sens des traditions. Il voulait ainsi créer un nouvel ordre afin de suturer les plaies révolutionnaires.

Ainsi, en ami de la Révolution, le premier consul tient à fonder une architecture administrative sur l’universalité de la loi contre les pouvoirs locaux. La remise en ordre du consulat repose sur le sentiment général qu’un pouvoir fort est devenu le meilleur instrument d’une consolidation des acquis révolutionnaires. La notice consacrée au concordat est en cela éclairante. Signé le 15 juillet 1801, l’accord avec le souverain pontife permet à l’Église de France de retrouver son unité et son statut, quand sa soumission au pouvoir séculier paraît plus forte que jamais. Les paroles de monsieur N, illustrant un peu trop dévotement certaines entrées, nous font sentir tout de même que la philosophie générale des réformes reste le pragmatisme : «Mon système était de n’avoir point de religion prédominante mais de tolérer tous les cultes» (1809).

Mais le pays a ses pentes dont on ne se délivre pas facilement. Comme a pu l’écrire François Furet : «le même homme qui a divinisé la souveraineté abstraite de l’État est celui qui l’a fragilisée en l’incarnant comme si elle était tout entière en lui. Napoléon est le Louis XIV de l’État démocratique». En effet, après son accession à l’Empire en 1804, le régime se monarchise en une forme baroque alliant la grande tradition monarchique française et la susceptibilité égalitaire du moment, comme le résume la formule bien connue : Napoléon, empereur des Français, «par la grâce de Dieu et les constitutions».

Ce livre est un excellent outil de travail pour aborder, dans son détail, le Ier empire. Il vient confirmer la thèse d’Alexis de Tocqueville dans L'Ancien régime et la Révolution, qui insiste sur les continuités administratives entre la monarchie absolue et le XIXe siècle.

Matthieu Lahaye
( Mis en ligne le 26/08/2008 )
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