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Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

le Kazakhstan
de Catherine Poujol
PUF - "Que sais-je ?" 2000 /  6.41 €- 41.99  ffr. / 127 pages
ISBN : 2-13-050448-5

De l’Empire des Steppes au milieu des empires

L’Asie centrale ex-soviétique est mal connue en France et en Europe. Il est douteux que le grand public même cultivé puisse situer sur une carte les anciennes "républiques socialistes" devenues depuis 1991 des nations indépendantes. L’évolution politique de cette région du monde échappe entièrement aux Européens. Comme au siècle dernier, le "grand jeu" y continue en sous-main. Il n’oppose plus les empires russe et britannique, mais, en une partie plus complexe encore, la Chine, la Russie, la Turquie, l’Iran… et les États-Unis.

Il faut donc saluer la parution d’un ouvrage en français écrit par un auteur français sur le plus vaste pays du "milieu des Empires", qui retrace son histoire sur la plus longue durée, des lointaines origines steppiques jusqu’au Kazakhstan indépendant en passant par l’époque soviétique. Grâce à la collection "Que sais-je ?", nombre d’informations d’ordinaire accessibles aux seuls orientalistes deviennent ainsi disponibles pour un vaste public.

Malheureusement, cette richesse informative est déparée par une complète absence de souci pédagogique et d’esprit de synthèse et par une regrettable imprécision du lexique. Inconvénient majeur : les rares cartes sont fort imprécises et ne permettent pas de situer les très (trop ?) nombreux noms géographiques donnés dans le texte.

La première partie, consacrée à "l’espace kazakh" -expression d‘ailleurs contestable- ne fait pas apparaître ce qui, dans l’histoire ancienne de l’Asie centrale appartient en propre à un Kazakhstan, qui, jusque à une date récente, n’était ni une terre ni un peuple. Dans le récit fort embrouillé des premiers millénaires, les noms d’Etat et d’empire d’ailleurs sont donnés avec trop de facilité à des conglomérats de tribus. L’ethnogénèse du peuple kazakh demeure en définitive obscure: jusqu’au début du XXè siècle, les termes de "kazakh" et de "kirghize" sont interchangeables. L’auteur n’explique pas pourquoi. Jamais elle n’arrive à dégager les lignes de force de cette longue histoire, que l’on discerne seulement à l’arrière-plan d’une chronique confuse et allusive: ainsi l’importance de la tradition gengiskhanide.

L’avalanche de noms de personnes et de lieux au consonances bizarres n’est pas faite pour mettre à l’aise le lecteur. L’abus du jargon universitaire non plus: écrire de "l’Empire seldjoukide" que sa "portée historique et culturelle n’est plus à démontrer" (p. 24), c’est proprement parler pour ne rien dire. Il en va de même des expressions comme "continuum ethno-culturel" (p. 35), etc.

La seconde partie, qui retrace l’histoire du Kazakhstan soviétique, souffre de pareils défauts. Certains passages sont proprement incompréhensibles (p. 58, p. 61), faute de précisions géographiques ou d’une définition claire des appellations nationales. L’auteur évoque la "catastrophe de la mer d’Aral" (p. 82) sans dire de quoi il s’agit. Trop de citations ne sont pas référencées.

La troisième partie est sans doute la plus intéressante, par la densité des informations relatives au Kazakhstan le plus contemporain, mais témoigne d’une indulgence sans doute excessive pour le régime du président Nazarbaev. Quelques réflexions prospectives auraient été bienvenues : la grande République éclatera-t-elle sous la pression des luttes nationales et des appétits grands-russes ? Se perpétuera-t-elle, au contraire, en rejetant les éléments slaves ou en construisant une société de synthèse slavo-turque ? Il s’agit de savoir si populations chrétiennes et musulmanes peuvent cohabiter en égales au sein d’un même Etat. Là comme ailleurs, il n’est pas de question plus brûlante.

Ce Kazakhstan ne parvient donc pas à convaincre entièrement. Il est à souhaiter qu’une prochaine édition élague les parties les plus anecdotiques du récit, élargisse le point de vue à l’ensemble de l’Asie centrale et s’attache à expliciter le vocabulaire pour un lecteur non-averti : ce n’est qu’au prix de ce travail de réécriture que ce "Que sais-je ?" pourra servir d’ouvrage de référence.

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 04/01/2001 )
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