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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Colbert - La vertu usurpée
de François d' Aubert
Perrin 2010 /  23 €- 150.65  ffr. / 488 pages
ISBN : 978-2-262-03211-1
FORMAT : 15,5cm x 24cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.

«Colbert is back» !

«Colbert is back» (p.9) ! Tel est le refrain ânonné par nombre d'observateurs de la vie économique en ces temps de crise mondiale. En effet, écrit François d'Aubert dans Colbert, La vertu usurpée, «face à une certaine faillite de la pensée économique, à la démonstration de l'échec temporaire de la «main invisible» du marché et aux excès de la sphère financière, de bons esprits en quête de clés d'un futur moins pernicieux s'interrogent sur l'opportunité d'une sorte de retour au colbertisme» (p.10). Pourtant, certaines ombres planent au-dessus de Colbert, si bien que l'ancien ministre du Roi-Soleil parait louvoyer constamment «entre une renommée à la fois spontanée et finement fabriquée, adossée à sa personnalité et à son œuvre, et une légende noire que pourrait bien alimenter sa relation ambiguë avec l'argent». Cette biographie se veut une «nouvelle tentative de découvrir la vérité» (p.16) et de dissiper le brouillard dans lequel le grand homme s'est trouvé drapé par la force des choses.

De son enfance rémoise à la construction du château de Versailles, en passant par sa collaboration avec Mazarin, puis avec celui que l'on surnommait naguère Louis-Le-Grand, l'auteur retrace la vie tumultueuse de l'homme d'État. Après avoir évincé son grand rival, le sémillant Fouquet, Colbert siégea au Conseil d'en haut, où ce boulimique du pouvoir n'eut de cesse d'élargir son champ de compétences. Initialement en charge du commerce, de la marine, des ports, des fortifications maritimes et des places fortes de l'ancien domaine du roi, il finit par s'occuper des manufactures et des finances.

Dans ce domaine, sa créativité fut quasi-illimitée, si bien qu'il renfloua très efficacement, mais aussi fort brutalement, les caisses de l'État en se fondant sur sa célèbre sentence selon laquelle «l'art de l'imposition consiste à plumer l'oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris» (p.13). Ses «réformations» (p.116) débouchèrent entre autres sur l'émergence du mécénat d'État, sur le rétablissement de la marine et sur l'intervention massive de l'État dans l'économie au nom du mercantilisme. A cet égard, Adam Smith lui reprochera plus tard de s'être laissé «tromper par les sophismes des marchands et des manufacturiers, toujours avides d'obtenir un monopole contre leurs concitoyens» (p.211).

L'impression qui ressort du propos iconoclaste de l'ancien ministre est que la réalité des pratiques de Colbert tranche très nettement avec l'image consensuelle que l'historiographie traditionnelle lui a façonnée. Le contraste est saisissant entre l'antienne de la vulgate officielle et le récit détaillé de l'auteur, puisqu'au fil des pages on découvre un Colbert à la fois brutal, machiavélique, torve et vénal.

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 06/07/2010 )
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