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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Bussy-Rabutin. Le libertin puni
de Daniel-Henri Vincent
Perrin 2011 /  19 €- 124.45  ffr. / 198 pages
ISBN : 978-2-262-03611-9
FORMAT : 13,3cm x 20,1cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.

Vie et morts de Bussy-Rabutin

Dans son récent ouvrage intitulé Bussy-Rabutin. Le libertin puni, l’ancien directeur des affaires culturelles de Bourgogne Daniel-Henri Vincent écrit que Roger de Rabutin-Bussy se voyait comme un héros à l’antique. Le libertin souhaitait d’ailleurs être considéré de la sorte. Il se voulait «brave sans ostentation». Et s’il «aimait les plaisirs plus que la fortune, (…) il aimait la gloire plus que les plaisirs» (p.14). La guerre et l’amour constituaient bel et bien son programme de vie. Assurément, Bussy-Rabutin fut une figure tout à fait particulière du Grand Siècle.

Né le 13 avril 1618 à Epiry dans l’Antunois, Roger de Rabutin-Bussy était issu de la noblesse d’épée. A cet égard, l’un de ses portraits est flanqué d’une devise représentant un jet d’eau avec la formule latine altus ab origine alta, rien de moins que «haut par sa haute origine». Certes ambitieux, le libertin bourguignon n’en était pas moins «content de sa naissance» puisqu’il écrivit une Histoire généalogique de la maison de Rabutin (p.18).

A l’instar de ses aïeux, Bussy-Rabutin allait connaître une existence bien remplie et à certains égards tout à fait exceptionnelle. Enfant, il espérait gagner la gloire sur les champs de bataille, où il fallait faire montre de qualités de soldat et de chef pour recevoir les honneurs. S’il ne doutait pas d’être doté d’un grand potentiel en raison de ses origines familiales, Roger connut initialement quelques difficultés. A seize ans, son père le plaça à la tête de ses troupes. C’est ainsi qu’il participa à une campagne de la guerre de Trente Ans, prélude à bien d’autres opérations militaires durant lesquelles il montra «plus de solidité que d’éclat» (p.39).

Haut en couleurs, Bussy-Rabutin sera en outre un éminent «galant libertin» (p.45). En ce domaine, les conquêtes et les expériences furent nombreuses. Après quelques amourettes, le bal s’ouvrit véritablement lorsqu’il fut en garnison à Guise. Une «veuve de qualité» s’enamoura en effet du jeune homme de vingt ans. Bussy fut d’abord surpris, car il ne se trouvait «digne d’aucune grâce puisqu’il n’avait pas soupiré, pleuré, prié, supplié et écrit» (pp.45-46). Puis, le soldat céda. Et bientôt les conquêtes se multiplièrent, Bussy faisant parfois rimer galanterie avec goujaterie.

Par la suite, la Fronde contraignit Bussy-Rabutin à renier Condé pour servir le roi, ce qui permit à ce noble désargenté d’en tirer quelque bénéfice. Il prit notamment «rang parmi les officiers généraux les plus considérables». Il obtint même «une commission, c’est-à-dire le grade et la fonction de lieutenant général» (p.79). Ses frasques contribuèrent, néanmoins, à mettre un terme à son ascension. La «débauche de Roissy», relayée par l’une de ses maîtresses, scandalisa la cour en raison des impiétés et des sacrilèges dont Bussy et ses commensaux se rendirent coupables (p.104).

Indirectement visé, le roi répondit par de sérieuses réprimandes et l’exil pour certains des protagonistes de la célèbre rencontre de Roissy. Bussy vit sa réputation d’esprit irréligieux confirmée. Il fit un séjour à la Bastille, avant de pouvoir regagner la Bourgogne pour des raisons de santé. La disgrâce, qui devait finalement s’atténuer lorsqu’il obtint une pension de la part du roi, permit au fin lettré qu’il était de s’adonner plus avant à l’écriture et au «rabutinage» avec Madame de Sévigné. A cet égard, Bussy laissa à la postérité une œuvre littéraire majeure.

Personnage rocambolesque, le libertin devait constamment se singulariser. D’ailleurs, contrairement au commun des mortels, «il mourut trois fois». L’exil dont il vient d’être question représenta «une mort sociale» (p.170). Sa deuxième mort eut lieu à Autun, en 1693 : âgé de soixante-quatorze ans, il succomba d’apoplexie. Sa troisième et dernière mort résulte des nombreuses critiques assassines dont il a fait l’objet après sa disparition. Sévère, Voltaire le trouva «ennuyeux». Ouvertement hostile à Bussy, Saint-Simon écrivit quant à lui que «toutes ses lettres sentent la rage, l’envie et le faux, et un retour d’encens à soi-même qui répand le dégoût partout» (p.174).

Le jugement apparait plutôt rude à Daniel-Henri Vincent, lequel conclut cette fort intéressante biographie en rappelant que la punition infligée au libertin fut finalement «heureuse» : sans elle, Bussy serait probablement devenu maréchal et l’«une des œuvres les plus originales et les plus spirituelles du Grand Siècle n’aurait pas vu le jour» (p.181).

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 30/08/2011 )
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