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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Castro - l'infidèle
de Serge Raffy
Le Livre de Poche 2007 /  8.50 €- 55.68  ffr. / 699 pages
ISBN : 2-253-09946-5
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en septembre 2003 (Fayard).

L'auteur du compte rendu : Claire Laux est maitre de conférences en histoire contemporaine à L'université de Bordeaux III, et l'auteur d'une thèse sur les missions en Océanie.


Ubu dans les Caraïbes

Il manquait, pour éclairer la figure complexe de Fidel Castro, une biographie objective, qui ne soit ni un panégyrique ni un réquisitoire. Cette biographie, Serge Raffy l’a écrite, son Castro l’infidèle, qui vient de paraître en Livre de Poche, montre le dictateur cubain sous un nouveau jour.

Construit en 45 courts chapitres de moins d’une dizaine de pages, écrit dans un style alerte, fluide et agréable, l’ouvrage se lit bien plus vite et plaisamment que ses 700 pages ne le laisseraient craindre. Le travail d’enquête (à Cuba même en particulier) et de documentation est considérable, les sources (correspondances, archives diverses, et surtout de riches et complexes sources orales), variées et complètes. Serge Raffy, on s’en doute, n’a pu avoir accès aux archives cubaines. Il a pallié cette inévitable carence en ayant recours, outre à l’abondante bibliographie sur la question, à de multiple témoignages recueillis notamment lors de séjours à Cuba. Cette biographie fourmille donc d’anecdotes, de petits faits, de détails dont le rapprochement permettra de dessiner l’image un peu éparse de Castro tout comme l’on assemble les pièces d’un puzzle. On regrette l’absence d’un index des noms de personnes mais ce n’est qu’une bien maigre réserve au regard de l’apport de cet ouvrage qui ne se prétend pas académique et cette petite lacune ne nuit pas à la qualité par ailleurs incontestable du livre.

L’itinéraire du petit bâtard finalement légitimé d’un ami du dictateur Batista est étonnant : des études chez les jésuites dont Castro gardera toujours l’empreinte, aux Etats-Unis, en passant par des amours multiples et tumultueuses, de courts chapitres tous passionnants font défiler devant nous une existence picaresque. La vie de Fidel Castro est un vrai roman, plein de bruits et de fureurs, plein de folie et de sang, qui aurait pu être écrit par Gabriel Garcia Marquez, admirateur inconditionnel et ami du tyran des Caraïbes. Bâtard d’un ancien soldat espagnol devenu riche propriétaire foncier, Castro souffre longtemps de ne pas être baptisé. Légitimé par son père, il effectue un passage marquant chez les jésuites. Etudiant en droit fort peu assidu, il se lance dans l’activisme politique. Serge Raffy révèle l’ancienneté de ses liens avec le KGB, tandis que la CIA, avec sa clairvoyance habituelle, reste persuadée que Castro n’est pas communiste. Batista, ami de son père, néglige également le danger. En 1953, l’attaque de la Moncade, haut fait de l’épopée castriste, échoue lamentablement parce que Fidel Castro, myope et coquet, n’a pas mis ses lunettes et a embouti le trottoir, donnant l’alarme dans la caserne qu’il projetait de prendre. Il ne doit alors son salut qu’à l’indulgence de Batista et aux interventions de sa famille. Il joue avec maestria de la propagande. Manipulant les journalistes occidentaux, il parvient à faire croire au monde entier que sa petite troupe de va-nu-pieds est une armée immense et aguerrie. En 1959, après que les Américains, eux aussi manipulés, ont lâché Batista, Castro marche victorieusement sur La Havane comme jadis Mussolini sur Rome. Il établit très vite une dictature féroce et de plus en plus ubuesque. Sur un simple soupçon, les amis, les compagnons de route, les proches de la famille sont éliminés ou tout le moins persécutés. Pendant qu’une lourde chape de plomb s’abat sur le peuple cubain, de grands esprits occidentaux, tels Sartre, chantent les louanges du Commandante…

Serge Raffy parvient parfaitement à rendre la dimension épique et romanesque du personnage sans toutefois jamais céder à la fascination pour celui qui reste l’un des grands dictateurs sanguinaires du siècle passé. Il rend parfaitement bien le cynisme, les passions et les haines violentes d’un homme qui ne fut jamais fidèle qu’à sa propre gloire. Jamais, contrairement à nombre d’observateurs occidentaux, l’auteur ne manifeste de complaisance vis-à-vis de la brutalité de l’homme ou du caractère répressif du régime.

Claire Laux
( Mis en ligne le 12/03/2007 )
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