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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

José-Maria de Heredia, poète du Parnasse
de Yann Mortelette et Collectif
PUPS 2006 /  20 €- 131  ffr. / 204 pages
ISBN : 2-84050-462-6
FORMAT : 15,0cm x 21,0cm

L'auteur du compte rendu : Rémi Mathis est élève à l'Ecole Nationale des Chartes. Il prépare une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne sous la direction d'Olivier Poncet (ENC) et Lucien Bély (Paris IV).

Renaissance d’un poète ?

José-Maria de Heredia est mort voici un peu plus de cent ans. Les anniversaires favorisant souvent les recherches, un colloque a été organisé en octobre 2005 afin de mettre en valeur la figure de José-Maria de Heredia et de réévaluer son importance dans la poésie de la fin du XIXe siècle.

Disons-le tout net, l’entreprise est la bienvenue tant la mémoire de Heredia a été embuée par les clichés dont il a fait l’objet. D’un côté des louanges qui ne savaient parler que de la capacité à enfermer de grands sujets dans les quatorze vers du sonnet, de l’artisan de la poésie et des racines espagnoles du poète, qui devaient tout naturellement le porter à traiter de la conquête de l’Amérique. De l’autre, les contempteurs, dont le nombre n’a cessé de croître pendant le XXe siècle : comment aimer la poésie de cette espèce de poète officiel de la IIIe République, érudit et sérieux (pensait-on), élu triomphalement à l’Académie à sa première candidature ? Il représente l’antithèse du surréalisme et de la poésie engagée et ne peut dès lors intéresser, selon les mots de Gaëtan Picon, que les «collégiens rêvant d’histoire». Heredia serait-il paradoxalement devenu un poète maudit ?

Quoi qu’il en soit, cent ans après sa mort, il est temps d’étudier l’œuvre du «conquistador de la poésie» avec une plus grande rigueur. Les passions se sont apaisées, les recherches sur la période et sur les milieux qu’il fréquentait se sont multipliées ces dernières années. On peut enfin regarder Heredia avec l’œil du scientifique et non plus celui du polémiste ou de l’idéologue.

Ces actes de colloque sont composés de deux grandes parties qui ont des visées différentes : la première relève plutôt de l’histoire littéraire, la seconde de l’analyse de la production de Heredia. La première section intitulée «José-Maria de Heredia et la vie littéraire» s’ouvre sur une étude de Robert Fleury, en relation directe avec la bibliothèque de l’Arsenal dont Heredia fut l’administrateur de 1902 à sa mort. L’étude de la correspondance de Heredia est une piste qui vient à peine d’être ouverte et qui s’annonce très prometteuse. J.-P. Goujon, qui vient de donner une édition de les lettres échangées entre le poète et son gendre Pierre Louÿs (Honoré Champion, 2006), analyse les relations d’amitié et d’estime nouées entre les deux hommes ; puis Y. Mortelette donne une première approche des enseignements que l’on peut tirer de la correspondance complète de Heredia, dont il prépare l’édition.

Heredia est une véritable plaque tournante de la poésie du XIXe siècle et incarne une conception de la poésie qui a eu une influence considérable. Il convient donc d’étudier son rapports à ses maîtres (Chénier et, comme dans l’étude de J.-M. Hovasse, Victor Hugo), ses relations avec des poètes contemporains qui ont suivi des voies différentes (ses relations avec Mallarmé sont ici étudiées par J.-L. Steinmetz). Au-delà de la poésie, Heredia avait un intérêt tout particulier pour un certains nombres de disciplines artistiques (émaux, reliure, orfèvrerie, sculpture…) et il a entretenu des relations suivies avec plusieurs artistes du temps, dont le plus connu est Claudius Popelin, auteur du célèbre portrait de Heredia en conquistador (P. Absalon).

La seconde section («Le poète des Trophées») revient sur l’opus magnum de Heredia, composé essentiellement de sonnets, ce qui implique une mise en perspective et une réflexion sur cette forme (Edgard Pich). Une autre manière de mettre en perspective l’œuvre de Heredia consiste à retrouver ses modèles et son entourage intellectuel afin de comprendre la genèse de ses œuvres : si les sources des Trophées ont été étudiées par le premier historien de Heredia, Miodrag Ibrovac, Peter Hambly renouvelle l’étude des sources à travers l’étude de deux poèmes. Il montre ainsi comment ses sources et son inspiration peuvent avoir en elle-mêmes de révélateur d’une conception de la poésie et de l’art. Ainsi, loin des clichés, nous apparaît l’image d’un poète dense, imaginatif, exotique, porteur d’une véritable vision du monde et d’une esthétique originale (Anne Bouvier-Cavoret et Jean de Palacio).

Un cahier d’illustration vient enrichir les études, notamment celle sur les rapports de Heredia aux artistes de son temps. On peut également y apprécier une page de l’extraordinaire exemplaire des Trophées de Paul Hébert (Bibliothèque de l’Arsenal) où chaque page est illustrée d’une aquarelle originale d’Ernest Millard.

Ainsi s’esquisse peu à peu une vision plus nuancée de Heredia, prenant en compte une œuvre beaucoup plus riche et variée que ce que l’on a bien voulu voir mais également le rôle de Heredia pour les jeunes poètes de l’époque. N’oublions pas que Heredia a été un maître pour tous les jeunes poètes de la génération de 1870, que sa poésie autant que l’accueil qu’il faisait aux jeunes gens, ont fait de son salon l’équivalent de celui de Mallarmé et qu’il constituait ainsi un modèle et un maître pour des poètes aussi différents que Henri de Régnier, Pierre Louÿs, Paul Valéry ou André Gide.

Rémi Mathis
( Mis en ligne le 22/01/2007 )
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