L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Science Politique  

Hobbes et le sujet du droit
de Julie Saada
CNRS éditions 2010 /  25 €- 163.75  ffr. / 250 pages
ISBN : 978-2-271-06960-3
FORMAT : 15,1cm x 23cm

Préface de Jean-François Kervégan

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.


Les singularités de la logique juridique hobbesienne

Dans son ouvrage De Cive, Hobbes décrit l'état de nature, qu'il considère comme un état de violence perpétuelle, où l'homme est un loup pour l'homme («homo homini lupus»). Ailleurs, dans De homine, il ajoute que l'homme est un loup pour l'homme, tenaillé par la faim qu'il n'a pas encore («homo homini lupus, etiam fame futura famelicus»). Pessimiste, Hobbes conclut dans Léviathan : «aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun».

Animés d'un puissant instinct de conservation et doués de raison, les individus concluent un pacte, grâce auquel ils passent de l'état de nature à la société civile. Par le biais de ce contrat social, chacun s'accorde avec chacun pour renoncer au droit de se gouverner soi-même et pour transférer tout son pouvoir entre les mains de «Léviathan», c'est-à-dire l'Etat, qui détient la souveraineté. Il s'ensuit que le rapport entre le souverain, être de droits, et les sujets, êtres de devoirs, est inégal. L'histoire de la philosophie a été bouleversée par l'artificialisme de la pensée hobbesienne, à laquelle Julie Saada a dernièrement consacré un ouvrage intitulé Hobbes et le sujet de droit.

Le point de départ de l'étude de Julie Saada est de savoir «si la réflexion sur le droit peut saisir son objet, comme s'il se déployait dans une sphère autonome, ou bien si elle doit rapporter la logique juridique aux usages politiques qui en sont faits» (p.XIII). Autrement dit, le droit est-il parfaitement autonome ? Son analyse peut-elle faire l'économie d'un examen à la fois de la pratique à laquelle il donne lieu et des données extra-juridiques qui peuvent potentiellement l'influencer ? Faisant dialoguer l'histoire, la philosophie et la théorie du droit, l'auteur met en lumière les singularités de la logique juridique hobbesienne, indépendante de tout facteur d'ordre «sociologique».

Au fil des pages, l'universitaire se penche sur les rapports mutuels de protection et d'obéissance qu'entretiennent le souverain et les sujets de droit. Pour ce faire, Julie Saada discute la contribution de l'Anglais à la pensée juridique à partir de deux approches rarement croisées: «celle de l'histoire des idées» d'une part, et «celle de la pensée analytique» (p.XV) de l'autre. Très dense, cet ouvrage de philosophie juridique mêle à la rigueur scientifique une très grande érudition.

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 26/10/2010 )
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