L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Science Politique  

Elite et libéralisme
de Olivia Leboyer
CNRS éditions - Science Politique 2012 /  28,40 €- 186.02  ffr. / 478 pages
ISBN : 978-2-271-07224-5
FORMAT : 15,0 cm × 23,0 cm

''Une part insurmontable d’oligarchie''

Dans son célèbre ouvrage, De la démocratie en Amérique (1840), Alexis de Tocqueville expliquait que, chez les peuples démocratiques, la passion pour l’égalité le dispute souvent à la liberté. En effet, écrivait-il, ceux-ci «montrent un amour plus ardent et plus durable» pour la première que pour la seconde, car les bénéfices à tirer de l’égalité seraient les plus rapidement accessibles à tout un chacun. D’où notamment l’incessante remise en cause des différentiations sociales, mais aussi le repli sur soi.

Comme le rappelle Olivia Leboyer dans Elite et libéralisme, son travail doctoral qui vient de faire l’objet d’une publication aux éditions du CNRS, le triomphe de la démocratie a certes signifié l’enracinement de l’égalité, mais il n’a pas pour autant remis en cause «la loi d’airain de l’oligarchie». Cette loi esquissée par Robert Michels rend compte de la propension de toute organisation à créer une sorte d’élite oligarchique. Il s’agit de la division de la société entre une minorité gouvernante et une majorité gouvernée, ce que rappelle la distinction naguère réalisée par Maurice Hauriou entre le «pouvoir minoritaire» et "le pouvoir majoritaire".

Au cours de cette enquête très minutieuse, Olivia Leboyer s’interroge sur la pensée libérale, laquelle «entretient avec la démocratie des rapports complexes, qui ne se laissent pas définir de manière unilatérale». Démocratie et libéralisme ne se confondent pas tout à fait, même si naturellement il existe certains points de contact entre les deux doctrines. L’auteure se demande ici comment les libéraux ont conçu le phénomène de l’élite politique. Pour ce faire, il convient de restituer leur intelligence de l’égalité, étant entendu qu’il y a dans la pensée libérale «une difficultés à penser l’élite, ou la dimension élitiste du pouvoir».

Le libéralisme n’étant pas monolithique, mais au contraire d’une grande variété, Olivia Leboyer s’est principalement concentrée sur l’étude de trois des principaux auteurs libéraux, chacun représentant un courant traversant cette école de pensée : François Guizot est le tenant d’un «libéralisme fermement antidémocratique», alors que Friedrich August Hayek défend un libéralisme distinguant soigneusement libéralisme et démocratie pour affirmer la primauté des principes libéraux, et que John Rawls s’est fait le héraut d’une conciliation harmonieuse du libéralisme avec la démocratie.

S’efforçant de mettre en lumière les vives tensions entre libéralisme et démocratie, l’auteure revient sur les analyses contemporaines qui décèlent «une part insurmontable d’oligarchie» dans les démocraties libérales. La première partie de l’ouvrage se focalise donc sur le concept d’élite, tandis que la deuxième établit une typologie entre ces trois courants (orléaniste, élitiste et démocratique) du libéralisme. Il ressort de cette étude que les libéraux ont un rapport très ambivalent vis-à-vis de la démocratie. Celui-ci peut parfois se révéler être «inquiet», sinon plein de «défiance», tantôt au contraire plutôt «bienveillant».

Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 15/05/2012 )
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