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Histoire & Sciences socialeset Science Politique  

Eloge des libertaires
de Michel Perraudeau
Autrement - Universités populaires & Cie 2016 /  24.90 €- 163.1  ffr. / 445 pages
ISBN : 978-2-7467-3804-1
FORMAT : 13,0 cm × 20,5 cm

Michel Onfray (Préfacier)

Une bible !

Michel Perraudeau offre avec cet essai un livre remarquable sur les libertaires et le libertarisme. Après une préface aussi simple que lumineuse de Michel Onfray, il nous fait rentrer dans cette galaxie peu connue mais que tout le monde croit connaître. Le libertaire n’est pas le libertin et il a encore moins à voir avec la licence.

Qu’est-ce que le libertarisme, mot forgé par Joseph Déjacque en octobre 1858 dans la revue Le Libertaire ? «Opposons au libéralisme le libertarisme, au verbe politique l’incarnation sociale», écrit-il. Il s’agit d’être avec soi d’abord et avec les autres en mettant la liberté au-dessus de tout, ce qui ne veut pas dire liberté de faire n’importe quoi ou n’importe comment. «Laissant au vestiaire candeur et chimères, le libertaire contrecarre l’habitué de la domination et le compétiteur acharné ; il s’oppose à l’obsédé de la haine et au permanent de l’intolérance ; il rejette le hiérarchique à tout prix et l’incontinent de la puissance. Sans faux-semblant, sans illusion, il brave l’autosatisfaction constante et l’étouffoir communautariste ; il réfute le dogme spirituel et l’endormissement de la pensée ; il se rebiffe contre la rivalité ancrée et l’obsession de l’argent ; il exècre le fanatisme du pouvoir et le manichéisme de la norme» (p.15). La définition est parfaite.

Michel Perraudeau cerne avec justesse son sujet en rendant hommage à tous les précurseurs de la liberté (François Rabelais, Etienne de la Boétie, Jean Meslier) aussi bien qu’à ceux qui ont donné au libertarisme ses lettres de noblesse, noms souvent oubliés ou trop méconnus, à quelques exceptions près : Pierre-Joseph Proudhon, Anselme Bellegarrigue, Joseph Déjacque, Ernest Coeurderoy.

L’intérêt du livre est de cerner ce mouvement libertaire dans ses différentes composantes. Pour Michel Perraudeau, la classification entre communisme anarchiste, anarcho-syndicaliste et individualisme est dépassée. Il est plus précis selon lui de définir ces trois courants en fonction du primat révolutionnaire établi par Irène Pereira : par l'individu, par une classe précise, par un ensemble de citoyens. Proudhon sert de racine commune à ces courants.

Si le libertaire n’est pas l’anarchiste, Michel Perraudeau aborde aussi les tenants de l’anarchisme français : Sébastien Faure, Gaston Leval, Elisée Reclus, Clément Duval, Albert Libertad. Il tente avec pertinence de retracer toutes les nuances possibles de ce mouvement : bien sûr les libertaires outre Atlantique (William Godwin, Robert Owen), la pensée libre (Voltairine de Cleyre), l’écologisme radical (Murray Bookchin), les anarchismes novateurs (Zo d’Axa, Georges Darien, Octave Mirbeau), les figures féminines (Anna Mahé, Jeanne Humbert, Lucienne Gervais, Madeleine Pelletier) ou les indépendants  comme Léo Ferré et Albert Camus... C’est dire si ce mouvement est en réalité assez mal connu !...

Non seulement l’essai définit-il le libertaire et ses faux-amis mais il retrace son histoire, les débats nouveaux le concernant sur les alternatives actuelles (le savoir, le travail, la psychologie, etc.). Écrit simplement dans un style agréable, on peut considérer ce livre de Michel Perraudeau comme une Bible ! Certes, une Bible sans Dieu... ni maître…

Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 22/04/2016 )
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