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Histoire & Sciences socialeset Sociologie / Economie  

Capitalisme à l’agonie - Quel avenir pour Homo sapiens ?
de Gilbert Dalgalian
L'Harmattan 2012 /  16.50 €- 108.08  ffr. / 170 pages
ISBN : 978-2-296-56974-4
FORMAT : 13,5 cm × 21,5 cm

L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), ancien élève de l’Ecole nationale d’administration, Christophe Colera est l'auteur, entre autre, aux Editions L’Harmattan, de Dialogue sur les aléas de l’histoire (2010).

Quelques considérations sur les problèmes de notre espèce

Docteur en linguistique, disciple d’Edgar Morin, Gilbert Dalgalian propose d’étendre ses connaissances sur l’acquisition du langage chez l’être humain à une vaste réflexion sur les difficultés contemporaines que rencontre l’homo sapiens (difficultés qu’il qualifie de «crise de civilisation») en examinant de quelles capacités de réforme et d’auto-refondation elle est encore détentrice pour devenir, comme il le souhaite, un «Sapiens Solidaris Responsabilis».

Le pari de M. Dalgalian était risqué et ambitieux. Il n’est pas certain qu’il soit gagné au final. On peut peut-être même se persuader du contraire. Grand admirateur d’Yves Coppens – un grand savant, sans aucun doute, mais qui dans ses travaux de vulgarisation cède un peu trop facilement à la doxa dominante de son temps –, Dalgalian fonde sa conception de l’être humain sur une hypothèse fragile : «Depuis Erectus au plus tard nous sommes des prématurés» (p.77). «Notre immaturité à la naissance nous a – depuis cette mutation fondatrice (la bipédie) - ouvert le plus vaste champ de potentialités d’acquisitions, d’apprentissages et d’inventions que seule la combinaison unique d’un cerveau inachevé – mais bien doté – avec une très longue épigénèse aura fait surgir dans le règne du vivant». Cette capacité d’innovation née de notre inachèvement serait la garantie de notre aptitude à éviter aujourd’hui le pire si toutefois nous ne l’avons pas perdue en cours de route.

Las, les fondements scientifiques de cette spéculation sur les problèmes de notre espèce sont pour le moins savonneux. On le sait : de plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui pour affirmer que la bipédie est bien plus ancienne que l’homo erectus, l’immaturité cérébrale et le développement tardif post-natal du cortex préfrontal seraient communs entre nous et le chimpanzé, et donc hérités d’une espèce antérieure à la séparation des deux branches (voir les travaux récents de l’équipe de Tetsuro Matsuzawa), et Pascal Picq et Philippe Brenot dans Le Sexe, l’homme et l’évolution, qui pointaient certaines scènes «grotesques» de L’Odyssée de l’espèce (documentaire inspiré par Yves Coppens) rappelaient il y a peu qu’il n’était pas nécessaire d’être naturaliste «pour savoir que les petits des prédateurs et de la majorité des mammifères arrivent au monde à l’état de quasi-fœtus». Il convient donc de se méfier des lectures trop lyriques (et trop narcissiques) de la singularité humaine. Sans doute le linguiste eût-il été plus convaincant s’il s’était placé sur le terrain de l’intelligence collective (comme l’a fait Matt Ridley il y a peu, mais il est vrai que Ridley, lui, est un libéral).

Retirez la science du socle du propos de l’auteur et celui-ci finit par se résumer à une collection d’opinions sans grande originalité et finalement assez gratuites, sous lesquelles on reconnaît en réalité des lieux communs d’une certaine gauche européenne depuis trente ans (il faut mieux partager le richesses, p.114, Staline c’était le contraire du communisme, p.136, tout le mal vient du refus de l’autre et de la stigmatisation des minorités, p.143, plus d’autogestion pourrait nous délivrer des irrationalités de l’autoritarisme, p.152). Des énoncés auxquels on peut souscrire ou que l’on peut désapprouver, mais qui relèvent de la pure conviction personnelle ou, si l’on veut, d’un acte de foi…

Christophe Colera
( Mis en ligne le 05/06/2012 )
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