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Histoire & Sciences socialeset Sociologie / Economie  

Miroir des princes
de Michel Schneider
Flammarion - Café Voltaire 2013 /  12 €- 78.6  ffr. / 141 pages
ISBN : 978-2-08-129951-1
FORMAT : 13,0 cm × 20,1 cm

Le temps des alouettes

Michel Schneider, écrivain et psychanalyste, a été directeur de la musique et de la danse au ministère de la Culture de 1988 à 1991. Il a depuis écrit plusieurs ouvrages, notamment sur la musique (Prima donna, Musiques de nuit), des biographies (Glenn Gould, piano solo, La Tombée du jour : Schuman), mais aussi sur Marilyn Monroe (Marilyn, dernières séances) ou des essais féroces (La Comédie de la culture, Big Mother, La Confusion des sexes).

Nous sommes avec Miroirs des princes dans le dernier cas. Dans un style sobre et limpide, Michel Schneider s’en prend vigoureusement à cette hégémonie de l’image sur le réel. «On ne croit pas une chose parce qu’elle est vraie, on la juge vraie parce qu’on y croit» (p.27), dit-il avec une grande pertinence.

Tout l’essai porte l'attention sur l’addiction à sa propre image dont nous sommes tous investis à travers les mécaniques de la télévision, des réseaux sociaux et les revendications de droits à n’en plus finir. L’auteur s’interroge sur cette perte de la limite entre la sphère privée et la sphère publique, considérant l’exhibitionnisme comme la forme moderne du narcissisme. Certes, nous sommes tous prisonniers de ces ressorts mais se soumettre à une telle emprise peut fait perdre toute mesure au point que c’est la haine de soi qui devient prépondérante. Quand on ne voit pas plus loin que le bout de son miroir...

«L’amour de soi fait place à l’amour de son image» ; le moi est à la fois le plaisir d’être soi mais aussi le déplaisir de n’être que soi, une certaine haine de soi donc car le narcissique ne se voit que dans les yeux des autres et ne vit que pour cela : «Ne se sentir être que si une caméra le confirme», ou la forme contemporaine du mythe de Narcisse qui mourra de ne pas aimer la réalité et l’altérité. C’est aussi le ressorts d'une haine du monde concret au nom des délices du virtuel.

Michel Schneider analyse au fil des pages aussi bien ce ''miroir des princes'' – les politiciens qui n'assurent leur leadership qu’au travers de conseillers en images -, traquant chez Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal les mots ou lapsus qui trahissent leur pensée profonde, que monsieur Tout-le-monde, objet lui aussi de cette urgence à l'auto-représentation (Twitter, Facebook et cette volonté d’occuper l’espace social par écran interposé) au point de nier la réalité, comme par exemple chez certains, explique le psychanalyste, la différence des sexes. Michel Schneider, à ce titre, ne ménage pas le mariage homosexuel et certaines affaires sont passées au crible de son analyse, de l’affaire Cahuzac à Strauss Kahn. «Miroir des princes», miroir aussi des "roturiers" : l'auteur ne ménage personne.

Un petit essai crucial et pertinent donc, sur cette maladie infantile contemporaine, cette obsession de l'image.

Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 12/11/2013 )
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