L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Sociologie / Economie  

Les Malentendus de la dépendance - De l'incapacité au lien social
de Bernard Ennuyer
Dunod - Action sociale 2002 /  28 €- 183.4  ffr. / 330 pages
ISBN : 2-10-006705-2
FORMAT : 16x24 cm

L’auteur du compte rendu : Raymonde Roman, infirmière d’Etat, côtoie, dans le cadre de l’exercice libéral de sa fonction, les personnes âgées depuis plus de trente ans. Elle a créé dans l’Aude, avec des assistantes sociales, une association de coordination, Sélénée, visant à proposer aux personnes âgées l’ensemble des services médicaux, sanitaires et sociaux les concernant. L’association a finalement été déboutée par les collectivités territoriales...

Un pont nécessaire entre le médical et le social dans la gestion du vieillissement des populations occidentales

Bernard Ennuyer, ingénieur, docteur en sociologie et directeur d'un service d'aide à domicile auprès des personnes âgées, présente dans cet ouvrage la presque intégralité du texte de sa thèse d’habilitation à diriger des recherches en sciences humaines et sociales (Paris V-Sorbonne). C'est dire si l’essai est riche, documenté, pertinent et technique. S'il s'adresse à l'ensemble des acteurs sociaux qui travaillent auprès des personnes âgées, aux responsables des services et aux politiques, l’ouvrage a aussi un grand intérêt pour tous, dans la mesure ou il amène à réfléchir sur la vieillesse en général.

La notion de dépendance est devenue en France une institution. Or sa définition est floue car elle n'atteint pas que les personnes âgées. Sans doute cette stigmatisation des "personnes âgées dépendantes" émane-t-elle d'une société individualiste qui prône l'indépendance. Il faut cependant réaliser que les situations de dépendance ou d'indépendance n'existent pas dans la vie sociale ; il n'existe que des relations d'interdépendance. En instituant la dépendance comme un état biologique, ne relevant donc que du médical, le politique masque le fait que celle-ci s'inscrit dans le champ social en l'enfermant dans un groupe homogène et statique.

C'est là toute l'ambiguïté d'une politique sociale/vieillesse, qui vise l'intégration des personnes tout en les évaluant incapables de le faire. Dans les années à venir, il faudra, par nécessités démographique, économique et politique, resituer la population vieillissante dans un processus social dynamique, et se débarrasser de cette vision d'enfermement à travers la variable âge. La dépendance ou, plus justement, la perte d'autonomie, devra inclure la notion d'adaptabilité, à savoir l'idée d'un état non pas déficitaire mais évolutif, pour permettre de vivre dans une société qui accepte l'individu comme se faisant et non comme figé.

Bernard Ennuyer pose remarquablement les bases de cette problématique dans ce qui sera un ouvrage de référence. Car il faut savoir qu'en matière de réflexion autour du troisième âge, les textes ne se bousculent pas et l’innovation manque : le rapport de référence, dit rapport Laroche, date de 1963. Jamais contesté depuis, il n’a été que très parcimonieusement aménagé, sans rapport aucun avec les évolution lourdes de la société. Pour nos politiques, il y a par conséquent urgence à poser les vrais problèmes autour de ces notions.

Raymonde Roman
( Mis en ligne le 05/04/2004 )
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