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Histoire & Sciences socialeset Sociologie / Economie  

Le Travail nous est compté - La construction des normes temporelles du travail
de Danièle Linhart , Aimée Moutet et Collectif
La Découverte - Recherches 2005 /  28 €- 183.4  ffr. / 350 pages
ISBN : 2-7071-4464-9
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.

Enjeux autour de l'usage du temps de travail

Avril 2002 fut un choc politique : le candidat Jean-Marie Le Pen accédait au second tour des élections présidentielles. Ce fut aussi le moment d'une prise de conscience pour une partie de la recherche en sciences humaines. Les ouvriers, en temps que classe sociale, ne semblaient plus intéresser les chercheurs depuis de nombreuses années. Plus généralement, la réalité du monde du travail ne semblait plus être un sujet excitant et légitime. Certes, certaines parutions ont vu le jour (Le Monde du travail, paru en 1998, dirigé par J. Kergoat, J. Boutet, H. Jacot et D. Linhart ou Retour sur la condition ouvrière de S. Beaud et M. Pialoux, par exemple), mais elles étaient peu nombreuses et ne trouvaient que de faibles échos.

Plus récemment, les débats autour d'une éventuelle remise en cause de la loi sur les 35 heures, les rapports signalant l'augmentation des accidents de travail ou encore le succès du livre de C. Dejours (La Souffrance en France) ont, semble-t-il, redonné un peu de vivacité à ces questions.

L'ouvrage dirigé par Danièle Linhart et Aimée Moutet est consacré plus particulièrement aux définitions et redéfinitions actuelles du temps de travail. La mise en place de la loi sur les 35 heures et ses tentatives de remise en cause, la flexibilité, la précarisation des emplois ou encore l'annualisation du temps de travail, sont autant de facteurs qui dessinent de nouvelles conditions de travail aussi bien dans le secteur des services que dans celui de l'industrie. Pour une bonne part, l'ouvrage repose sur des études de terrain ; ce qui donne lieu à des descriptions précises de conditions travail peu connues malgré certaines médiatisations, à l'instar des centres d'appels téléphoniques.

Trois exemples permettent de comprendre ce qu'engagent les modes de mobilisation de la main d'œuvre et l'intensification de son utilisation. Le travail chez Mac Donald's n'a pas seulement pour caractéristique de faire appel pour l'essentiel à des temps partiels et/ou temporaires. Hélène Weber démontre comment, à travers des modes d'appropriation contraints, les jeunes salariés (pour la plupart étudiants) sont prompts à adopter un discours qui présente les contraintes et les insuffisances de leurs contrats comme le résultat de choix, parfois de choix de vie. La place que prend cette activité dans leur vie est considérable au regard des heures de travail réellement effectuées.

Chantal Cossalter et Mathieu Amiech analysent les processus de rationalisation qui sont censés être mis en œuvre dans le service aux clients par les centres d'appel. La contraction des temps de collecte, d'analyse et de gestion des informations et la volonté de maîtriser l'interaction entreprise-client en sont les principales caractéristiques. C'est ainsi que la "proximité" peut charrier son lot de froideur. De nouvelles exigences des employeurs y sont souvent présentées comme de nouvelles compétences.

Les processus d'externalisation et la poursuite du flux tendu ont développé certains sites industriels composés d'une usine principale d'assemblage et, autour d'elle, de plusieurs entreprises sous-traitantes (ces sites prennent le nom de Parcs Industriels Fournisseurs). Les conditions de travail sont, dans ces dernières, des plus précaires. Les contrats sont de courtes durées, la flexibilité y est particulièrement développée et les perspectives de carrières quasiment nulles ; autant d'éléments de précarisation rendus inévitables par des rapports de force particulièrement inégaux entre l'usine principale et se fournisseurs.

Toutes ces monographies (pour certaines sur des exemples étrangers) ont pour souci d'exposer avec rigueur les conditions réelles de travail mais aussi de les lier avec les évolutions du capitalisme contemporain. Les temps de production, de formation ou de relation avec les clients, qui ont toujours été l'objet de conflits, laissent peu à peu apparaître les contours de nos nouveaux rythmes sociaux.

Guy Dreux
( Mis en ligne le 11/09/2005 )
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