L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Défendre ses droits, construire sa mémoire - Les chartriers seigneuriaux (XIIIe-XXIe siècle)
de Philippe Contamine , Laurent Vissière et Collectif
Société de l’histoire de France 2010 /  50 €- 327.5  ffr. / 396 pages
ISBN : 978-2-35407-131-8

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007) ainsi que Monsieur Descartes (Flammarion, 2010).

Sous le signe des Archives et de l’Histoire

''Éléments d’histoire d’un objet étrange'', tel pourrait encore être le sous-titre d’un volume qui montre que «la fabrique de l’histoire n’est ni simple ni innocente» (Ph. Contamine, p.356). Centré autour de l’emblématique chartrier de la famille La Trémoille (dit «chartrier de Thouars»), premier fonds de la série des archives privées conservées aux Archives nationales (1 AP) et dont le classement, considéré comme exemplaire, est dû au grand érudit Charles Samaran, le colloque dont il est issu s’est tout naturellement tenu en la ville de Thouars, pour la circonstance épicentre d’une série d’études dont les objets manifestent une large couverture géographique (Poitou, certes et avant tout, mais aussi Bourgogne, Languedoc Angleterre, Italie, Espagne, Thuringe…), s’inscrivant dans une réflexion plus générale sur les sources de l’histoire, leur constitution, leurs fonctions, leur devenir.

Le plus souvent seigneuriaux (et l'on peut peut-être regretter l’absence du Trésor des chartes des rois de France), mais aussi ecclésiastiques, les chartriers constituent une documentation construite ou reconstruite dans un but de gestion et d’utilité directe de preuve d’abord, puis devenue un support de la mémoire nobiliaire, suspects à la Révolution, avant de s’ouvrir aux historiens et de prendre pour eux la qualité de «sources». Et de cette transformation des archives en sources d’histoire, tout amateur de cette dernière devrait être d’une manière générale conscient.

Car c’est sur la limpidité de ces dernières qu’il convient, en bonne analyse, de s’interroger, car celle-ci est bien loin de, comme on pourrait à n’y point songer s’y attendre, «couler de source». Tout comme les cartulaires, les inventaires ou les enregistrements, les chartriers résultent d’une mise en archives, de pratiques d’archivages elles-mêmes devenues au XIXe siècle objets de ces sciences dites «auxiliaires de l’histoire» que sont l’archivistique et la diplomatique ; ils apportent leur contribution à l’exploration de la grande question de la production et des usages de l’écrit et leur apport ne saurait se limiter à ce qu’ils nous permettent de connaître de l’histoire de leurs familles et régions éponymes : «Bref, ni histoire locale ou régionale, ni histoire technique, ni histoire strictement médiévale – mais pas sans elles. Il s’agissait ainsi d’atteindre, à partir de cas concrets, le sens historique d’un phénomène plus global et donc plus significatif, concernant à la fois le pouvoir seigneurial, les pratiques scripturales et archivistiques de ses détenteurs et la connaissance que les historiens peuvent en avoir» (J. Morsel, p.11).

Autrement dit, un volume à vingt-deux voix qui doit retenir, bien au-delà du monde de l’érudition, l’attention des historiens et des amateurs d’histoire.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 03/05/2011 )
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