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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Les Hommes de Napoléon - Témoignages 1805-1815
de Christophe Bourachot
Omnibus 2011 /  26 €- 170.3  ffr. / 641 pages
ISBN : 978-2-258-08561-9
FORMAT : 13,3cm x 19,8cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.

''Lui''

Victor Hugo déclara naguère dans son discours à l’Académie française qu’à l’orée du XIXe siècle «la France était pour les nations un magnifique spectacle. Un homme la remplissait alors et la faisait si grande qu'elle remplissait l'Europe. Cet homme, sorti de l'ombre, était arrivé en peu d'années à la plus haute royauté qui jamais peut-être ait étonné l'histoire. Une révolution l'avait enfanté, un peuple l'avait choisi, un pape l'avait couronné. Chaque année, il reculait les frontières de son Empire... Il avait effacé les Alpes comme Charlemagne et les Pyrénées comme Louis XIV ; il avait construit son État au centre de l'Europe comme une citadelle, lui donnant pour bastions et pour ouvrages avancés dix monarchies qu'il avait fait entrer à la fois dans son Empire et dans sa famille. Tout dans cet homme était démesuré et splendide. Il était au-dessus de l'Europe comme une vision extraordinaire». L’éloge hugolien est justifié, tant la liste des prodiges de Bonaparte et de ses Braves est grande. En effet, le «général Vendémiaire» mena la Grande Armée et plus spécialement les soldats de bataille en bataille… jusqu’à la défaite finale.

Passionné par l’histoire napoléonienne, Christophe Bourachot, vient de réunir et de présenter les souvenirs des soldats de la Grande Armée au sein d’un ouvrage intitulé Les Hommes de Napoléon. Témoignages 1805-1815. Cet ouvrage est le fruit d’un grand travail de recherche dans les archives et les bibliothèques. A cet égard, l’auteur n’en est pas à son coup d’essai, car il a déjà contribué à la publication de nombreux documents historiques sur le Premier Empire.

«Quand ils étaient face à l’ennemi, la peur au ventre, écrit C. Bourachot dans son propos introductif, les braves (…) ne pouvaient pas imaginer qu’ils écriraient un jour pour la postérité. Ils entendaient au loin «ronfler» le canon, pleuvoir les premières balles. Un fantassin s’écroule à côté d’eux, mais il faut encore avancer ! Ils sont dans le feu de l’action, le combat s’engage entre fumée, cris, l’odeur de la poudre, et le signal de la trompette. Celui d’en face attend, la baïonnette au bout du fusil. La mort guette, dans l’ombre, prête à faucher le combattant qui approche. Le voltigeur avec lequel vous parliez encore ce matin vient d’avoir la tête emportée par un boulet. Il faut avancer encore». Certes le danger était omniprésent, mais d’aucuns prirent la plume pour coucher par écrit leurs impressions et leurs souvenirs. Ce faisant, ils contribuèrent à perpétuer la mémoire des exploits de la France issue de la Révolution française.

L’ouvrage ne manque pas d’intérêt, car «les militaires du temps de la République et de l’Empire maniaient la plume comme l’épée, et quand ils ont bien voulu raconter leurs campagnes, ils l’ont fait comme s’ils chargeaient à la baïonnette». C’est ainsi que le préfacier (anonyme) des Mémoires du général Dellard décrivait les soldats de la Grande Armée en 1892. Souvent d’une très grande sincérité, les témoignages réunis dans le livre de C. Bourachot permettent de suivre les soldats de la Grande Armée presque pas à pas. Ainsi, les témoignages concernent la bataille d’Austerlitz, celle d’Iéna ainsi que Eylau et Friedland. L’Espagne est également abordée, de même que la disparition tragique du Maréchal Lannes sur le champ de bataille, qui rendit l’Empereur si amer. Les soldats s’épanchent aussi sur la campagne de France ainsi que sur le retour de Bonaparte en 1815 et, pour finir, sur le retour de sa dépouille sous la Monarchie de Juillet en 1840.

Mêlant des dimensions tant historiques que psychologiques, ces témoignages immergent le lecteur dans le quotidien des soldats de Bonaparte. La plupart du temps, leurs pensées sont tournées vers leurs compagnons d’armes, leur famille ou leur «promise». Il y a cependant une constante : les soldats n’ont de cesse de parler de «Lui». Le plus souvent, dans les écrits des grognards, «Lui» prend une majuscule. «Lui», naturellement, c’est l’empereur. Il est «plus qu’un chef, [il est] une figure familière, tutélaire dont on se répète les paroles et les gestes». Leurs souvenirs contribuent «à grandir à l’infini l’image d’un homme qui en est venu à incarner la Patrie. Ils le côtoient parfois depuis la campagne d’Italie, en 1796 (…). Il est, il reste, en dépit des sacrifices consentis chacun d’entre eux, celui qui les a fait voler de victoire en victoire».

Bref, pour reprendre la formule de Christophe Bourachot, dans les témoignages des grognards de la Grande Armée, le lecteur trouvera à la fois «du feu, du sang et du courage».

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 14/06/2011 )
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