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Ma Vie
de Vittorio Alfieri
Mercure de France - Le Temps retrouvé 2012 /  23,50 €- 153.93  ffr. / 416 pages
ISBN : 978-2715232969
FORMAT : 14,0 cm × 20,7 cm

Édition présentée et annotée par Mélanie Traversier

Antoine de Latour (Traduction)


Destin d'un homme de qualité

Vittorio Alfieri (1749-1803) est un écrivain italien, auteur d'une dizaine de tragédies assez célèbres : Polynice, Antigone, Agamemnon, Marie Stuart. Il est connu également pour le livre qui nous occupe ici, Ma Vie (1803), son autobiographie qu'il rédigea à la manière des Confessions de Rousseau et dont il semble reprendre l'adage : Plaire, Instruire, Eduquer. En effet, cette œuvre de mémorialiste a pour intérêt majeur d'être sincère, introspective et historique.

C'était l'époque bénigne où l'on suivait une instruction chez un précepteur, une éducation en famille, une initiation durant des voyages et une formation auprès des femmes ! Telle est la jeunesse de Vittorio Alferi, esprit libre et fin, qui, au moyen d'une famille aisée, put découvrir l'Europe à 20 ans. Passé le récit de son enfance (troublée par une fragilité physique qu'il conservera à l'âge adulte), la jeunesse de l'écrivain oscille entre école militaire, visite des capitales (il est présenté à Louis XVI en 1768), équitation (il cultivera une passion pour les chevaux, les entrainant dans de véritables escapades), lectures des classiques, et rencontre de femmes (un élément essentiel à la formation sensible et intellectuelle). Si le jeune premier (âgé d'une quarantaine d'années au moment de la rédaction de sa confession qu'il acheva peu de temps avant sa mort) est un ignare qui s'assume (à part Montaigne et Plutarque, il est insensible à la littérature et à la peinture contemporaines) en déconstruisant le mythe de l'esthète, c'est l'amour pour une femme qui le destinera à l'écriture, notamment celle de tragédies. Et qui fera de lui l'un des écrivains italiens les plus importants de son siècle. Beau spécimen de parcours fiable puisque cette femme vivra avec lui durant plus de vingt-cinq ans.

Ces mémoires, fidèles au genre, tracent le portrait quelque peu classique d'une éducation européenne au XVIIIe siècle. Alfieri revient sur son travail d'écrivain (14 tragédies, 2 essais politiques), ses lectures et son travail de traducteur, ses liaisons féminines peu reposantes et ses multiples voyages en Europe : Florence, Naples, Paris, La Haye. Le poète est toujours en mouvement, et traverse les crises historiques tout en gérant ses propres crises morales. Qui auront raison de sa santé puisqu'il s'éteint à l'âge de 54 ans, usé par le travail, les voyages et une sorte de retrait du monde des vivants.

Alfieri est à redécouvrir dans cette réédition de ces mémoires. Le style souple et élégant accompagne une vie exigeante mais comme souvent dans ce genre littéraire, le sens du détail, s'il importe énormément à son auteur, peut lasser un lecteur quelque peu lointain parfois de ce siècle des Lumières. Ces confessions ont le mérite d'être sincères, précises et brossent le portrait d'une époque. La vie d'Alfieri est un exemple sérieux de républicanisme et d'indépendance artistique.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 27/11/2012 )
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