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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Couper le corps du Christ en deux - Sens et fonctions symboliques d'un chirographe figuré du XIIe siècle
de Pierre Bureau
Le Léopard d'or  - Le symbole et son histoire 2012 /  25 €- 163.75  ffr. / 120 pages
ISBN :  978-2-86377-237-9

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007) ainsi que Monsieur Descartes (Flammarion, 2010).

Exégèse d’un document

Une moitié est conservée aux Archives nationales, l’autre aux Archives départementales du Val-d’Oise ; les deux documents étaient connus, mais ils n’avaient, depuis leur séparation, il y a quelque huit siècles, jamais été réunis. Et cette réunion présente une image exceptionnelle, de facture étonnement moderne, puisqu’elle restitue l’image du Crucifié, devise d’un chirographe de 1177 aussi hors du commun que son objet est quant à lui d’une étonnante banalité. Reproduit en deux exemplaires à l’usage de chaque partie contractante qui en reçoit une moitié, ce texte constitue un simple échange de biens entre Mathieu III, comte de Beaumont-sur-Oise, et son épouse, Eléonore de Vermandois d’une part, et Geoffroy, abbé de Saint-Martin de Pontoise d’autre part. C’est le décalage entre le texte et l’image qui a sollicité la sagacité de Pierre Bureau et l’a conduit à se livrer à une enquête qu’il nous convie à partager.

Ce faisant, il se situe dans la lignée des grands érudits qui avaient eu connaissance partielle du document depuis les mauristes Toussain et Tassin, en passant par Douët d’Arcq, Alexandre Teulet, Arthur Giry, Joseph Depoin, le colonel Borelli de Serres, auxquels il apporte une conclusion au terme d’une recherche interdisciplinaire fouillée conjuguant approches juridique, théologique, sociale et artistique, disséquant une image d’exception tout en la remettant dans le contexte de son époque.

On ne peut alors que convier le lecteur à la lecture de ce petit volume appuyé sur un dossier iconographique de grande qualité, qui constitue une leçon de méthode et de ténacité. Elle met en valeur la personnalité d’Eléonore de Vermandois, comtesse à la piété rendue ostensible par ses relations avec l’abbaye de Saint-Martin et met son expression figurée en relation avec la lecture de la communauté ecclésiale alors développée par Hugues de Saint-Victor. Dans ce contexte retrouvé, la partition très soigneusement opérée du corps du Christ figure la communion eucharistique, dont seule la partie droite remise aux clercs qui communient sous les deux espèces comporte le sang qui s’échappe de la plaie du Christ.

Cette recherche monographique en forme de dossier constitue finalement, on l’aura compris, une véritable exégèse d’un document dont elle dégage les multiples niveaux de signification ; pour sa démarche, mais aussi pour sa beauté formelle, elle doit autant retenir l’attention des amateurs de découverte artistique et intellectuelle qu’être intégrée par les spécialistes dans leurs corpus érudits.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 25/02/2014 )
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