L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Toute une vie
de Hélie de Saint Marc
Les Arènes 2004 /  27.80 €- 182.09  ffr. / 276 pages
ISBN : 2-912485-77-0
FORMAT : 16x24 cm

Avec 1 CD audio.

Un destin français

Que dire du destin exceptionnel d’Hélie de Saint Marc, sinon que l’histoire nationale, à travers ses tragédies, se confond avec lui… A 82 ans, le personnage décide de raconter ce qu’il sait de l’existence humaine dans toute sa lumière et son obscurité. Il parle sur le courage et l’engagement, à travers la résistance (1941-1943), la déportation au camp de Buchenwald (1943-1944), l’implication et la fidélité envers les partisans indochinois pro-français, puis les Harkis, aussi donc sur le lâche abandon par l’Etat français de ces frères d’armes indochinois et français musulmans, mais également la prison et le sens de la vie, dans toutes ses dimensions…

Hélie de Saint Marc déroute et sort des sentiers battus d’une historiographie «officielle», notamment à propos des résistants de la dernière heure, du rôle de l’Etat passé sans la moindre gêne des rafles de juifs et résistants à la mise sous surveillance des collaborateurs. Il évoque aussi de façon émouvante l’humiliation des camps de concentration, où il faut «rester des hommes debout», un combat de tous les jours, fait de larmes et de sang, d’une injustice permanente. Mais c’est au cœur du malheur, comme il le précise, que l’on touche l’Etre ultime dans toute sa vérité : après avoir traversé la planète concentrationnaire, on sait que la vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut aussi un être humain…

L’épisode indochinois est un autre chapitre saisissant de la vie de Saint Marc : l’on y comprend la découverte d’un pays merveilleux, riche de ses différentes cultures… ravagé par la guerre, «la blessure jaune», avec l’abandon par la métropole de villages entiers, de populations pourtant alors partisanes de la France, prémices du futur cauchemar algérien… L’Algérie en effet, entre indépendance progressive et autonomie, entre rêve et désespoir, illustre l’avortement d’un compromis pas si impossible, car, par la suite, les accords Mandela-De Klerk, Arafat-Rabin, Lefleur-Tjibaou montreront que sur une même terre, des frères ennemis peuvent essayer d’apprendre la coexistence… Mais ici, la guerre l’emporte, sale : la torture, le double langage politicien et, pour certains, dont Saint Marc lui-même, la peur de voir les populations livrées au FLN, et la participation au fameux Putsch des Généraux, le 21 avril 1961. Ne peut-on pas penser ensuite que l’abandon des Harkis constitue l’une des pages les plus honteuses de l’histoire nationale, à côté du Statut des Juifs (octobre 1940) et de la rafle du Vel-D’Hiv' (juillet 1942) ?...

Vient alors pour l’auteur le temps de la prison, et de la lutte contre le pourrissement intérieur, attaché autant que faire se peut à la liberté, l’amour d’une femme et de ses enfants. Il en sortira pour découvrir, lui qui n’avait connu que la guerre, la société de consommation… Il noue alors de nouvelles amitiés, et renoue aussi celles anciennes, remontant pour certaines à la déportation, avec toujours ce sens profondément ancré en lui de l’amour de la vie et des gens, qui, peut-être, permet de mieux comprendre le personnage dans ses apparentes contradictions. Voici donc un livre témoignage qui ne peut pas laisser insensible ; une véritable leçon d’humilité.

Méned Khenouche
( Mis en ligne le 07/03/2005 )
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