Essais & documents
Poches de Jean-Marie Périer
Pocket 2002 / 5 €- 32.75 ffr. / 180 pages
ISBN : 2-266-12279-7
Deux pères et gagne
Ses photos ont presque autant contribué à la légende dorée des années yé-yé que les chansons de ceux qu'il immortalisait. De Johnny au Beatles, de Françoise Hardy aux Rolling Stones, tous sont passés un jour devant son objectif pour s'ancrer, icônes intemporelles, dans notre imaginaire collectif.
Cette période faste, Jean-Marie Périer en a livré le récit exhaustif dans deux volumes intitulés Mes Années 60 (Filippacchi, 1999) - et l'on pensait que tout était dit. Enfant gâté montre qu'il n'en est rien, et que le photographe attitré de Salut les copains ! est doté sinon d'une belle plume, du moins d'une sensibilité et d'une lucidité à fleur de peau.
On pourrait évoquer les hauts faits et les petites anecdotes qui jalonnent son livre, rehaussant, çà et là, le portrait d'une décennie mythique : une nuit passée à regarder Mick Jagger et Keith Richards donner naissance à "Angie", la visite de Rome by night en compagnie d'un guide nommé Fellini ou un dépucelage inachevé dans la loge d'Ella Fitzgerald... Ce serait réduire ce bref récit à ce qu'il n'est pas : un pêle-mêle nostalgique assaisonné de name-dropping.
Car Enfant gâté (le double sens n'est peut-être pas involontaire), c'est avant tout l'histoire du fils du comédien François Périer qui apprend à seize ans que son vrai père est le chanteur Henri Salvador et trouve le courage, un quart de siècle plus tard, de réunir les deux hommes de sa vie pour un dîner au sommet : surréaliste, poignant et joyeux, beau comme une scène de Cassavettes. C'est aussi, en miroir, l'apprentissage du dur métier d'être fils, époux, puis père à son tour. Le tout sans emphase à la Kipling ni distanciation durrassienne ; sur le ton, à la fois simple et délicat, de la confidence.
Imparfait, écrit à l'emporte-pièce, ce témoignage n'est pas un morceau de littérature : mais, jusque dans les poses affectées de l'auteur en dandy, jusque dans la naïveté de ses remarques, c'est le coeur même de la vie qui bat dans ces pages.
Pierre Brévignon
( Mis en ligne le 10/06/2002 )
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