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Archimondain jolipunk
de Camille de Toledo
Calmann-Lévy 2002 /  16 €- 104.8  ffr. / 220 pages
ISBN : 2-7021-3329-0

Boum Badaboum

L’auteur, né en 1976, est un « asthmatique de l’âme ». Mais si la capitulation générale devant la « Nouvelle Architecture du Monde Uni » trouble sa respiration, Camille de Toledo n’en conserve pas moins son souffle. Et du souffle, il en faut pour mener, comme il le fait, avec une nervosité stylisée, cet essai qui hésite entre le pamphlet, la confession et le manifeste.

Notre archimondain jolipunk clame son appartenance à une génération coincée entre deux effondrements : la chute du mur de Berlin du 9 novembre 1989 et les attentats du 11 septembre 2001. En arrière plan, le monde marchand n’a cessé de recycler et d’exploiter ce qui lui résistait encore. Un nouvel enfermement devait naître de cette récupération systématique de la moindre dissidence. Tout en rejetant la litanie des désillusions, l’auteur dissèque alors les piliers de cet enfermement dont le « dandysme de masse » et le rire creux seraient les navrantes conséquences : l’accord inattendu entre la pensée de Debord et « la Fin de l’Histoire » de Fukuyama, l’épuisement de toute résistance, la neutralisation de la subversion, « l’absorption des marges » et enfin le déplacement d’un pouvoir devenu nomade, insaisissable, et donc impropre à exciter la révolte. On l’aura compris, Toledo règle ses comptes avec les années 90. Rien de bien nouveau. Et pourtant, il insuffle à son diagnostic une vivacité mordante et une grâce qui, à défaut de convaincre les tenants d’un cynisme vautré, fissurent du moins l’épaisseur d’une époque phagocytée par la gluante image d’elle-même.

Jusqu’au-boutiste du réveil et de l’espoir, Toledo décortique, non sans itérations parfois agaçantes, la nouvelle emprise sous laquelle la vie moderne achève sa dissolution dans le flux. Cette nouvelle incarnation qu’il invoque, ces « romantiques aux yeux ouverts » à travers lesquels il veut voir surgir une salvatrice « foi en l’élégance » ne peuvent qu’escamoter selon lui la dérive schizophrène d’une société peuplée de cybernomades.
« Héritier d’une yaourtière géante », Camille de Toledo jongle avec les mots, confectionne les expressions, abuse des homonymies, et fait claquer son verbe comme un bateleur circonspect. S’il exaspère parfois lorsqu’il joue, malgré lui, au pédagogue à contretemps, il a l’authentique mérite de ne jamais sombrer dans la haine du monde présent. Car c’est au nom de cette générosité pour ce monde-là qu’il pousse sa lucidité jusqu’à l’intransigeance. Une embardée qui a de l’allure…

Bertrand de Sainte Marie
( Mis en ligne le 05/11/2002 )
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