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La Femme fatale
de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin
Albin Michel 2007 /  18 €- 117.9  ffr. / 229 pages
ISBN : 978-2-226-17929-6
FORMAT : 14,5cm x 22,5cm

Bruits de couloirs

En politique, la victoire comme la défaite se commentent, s’analysent, se dégusteraient presque comme un beau morceau entre deux tranches de législature ou de mandat… Alors forcément, le résultat des élections présidentielles invite la plume à courir. Si l’on croit déjà tout savoir sur les candidats, il demeure quelques zones d’ombres, quelques bruits de couloirs, quelques anecdotes, scénettes… qui mériteraient le coup d’œil. C’est le parti pris par Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, grands reporters au Monde : La Femme fatale n’est ni une analyse politico-culturelle du phénomène Ségolène, ni un journal de campagne aride et objectif, ni un plan com’ transformé en ouvrage… il s’agit plutôt du récit des à-côtés de la campagne, les coulisses, le fond du décor, ce qui reste quand les paillettes sont tombées… et aussi un portrait plutôt à charge de Ségolène Royal en candidate. Malheur à la vaincue…

L’ouvrage porte sur toute la campagne, depuis les primaires socialistes jusqu’à l’élection présidentielle. Adossée à des études statistiques et aux intuitions heureuses (car pleines de bon sens) d’un sémiologue en rupture de ban et d’une publicitaire en quête d’un supplément d’âme, Ségolène Royal conquiert le PS et parvient à forcer les éléphants sans les acculer… Un beau travail, un peu abusivement présenté comme une seule opération de communication (bien montée, il est vrai). Reste la campagne, la grande, la vraie… alors même que la petite campagne, qui consiste à s’assurer du soutien d’un parti, est loin d’être achevée.

Le portrait de groupe des hiérarques socialistes est du reste assez consternant : le machisme des uns se heurtant à l’orgueil des autres. Et Ségolène fut : candidature mal ficelée (notamment sur le plan économique : on le voit avec cette saillie très dogmatique du mammouth Mauroy qui, bien oublieux de la débandade de 1981/83, estime que l’économique ne compte pas et qu’on ne doit pas s’attacher aux chiffres… p.195), en partie fondée sur une volonté de revanche contre un establishment socialiste qui – estime-t-elle – ne lui a pas donné sa chance. Les coulisses du «2-8-2», le QG de la candidate, sont à l’image de la campagne : belle déco mais il y manque une touche de professionnalisme, de l’enthousiasme mais qui ne supplée pas au manque d’expérience. Et puis des locaux aussi interdits au public qu’une secte… ambiance garantie.

Au fil des chapitres, on s’enfonce donc dans la campagne, voire la vie privée de la candidate, comme dans une galerie de portraits. Les bons mots – à la manière des brèves du Canard enchaîné – affluent. Il faut dire qu’il y a des rebondissements : depuis les difficultés du couple Hollande-Royal (pitié : foutez leur la paix !…) jusqu’au ballet des conseillers (Julien Dray semant la zizanie dans le couple…), en passant par les intermitents de la campagne (l’affaire Besson et le cas DSK), les pas de deux avec les journalistes (belle typologie du monde journalistique) et les stars engagées (BHL en majesté). Et pour couronner une candidature qui se targue de renouveau, l’appel à Chevènement, ostracisé depuis 2002, ainsi qu’au modèle mitterrandien. On ne prête qu’aux vaincus ?

Au final, voià un petit ouvrage de circonstance, qui n’a d’autre ambition que de faire sourire : vite écrit, vite lu, distrayant. La recette est simple : quelques anecdotes rigolotes ou sordides, quelques conversations «off», du bruit de fonds encadré par quelques analyses à la louche… Pour les idées, on repassera, mais comme au cirque, après les jeux, il faut bien un peu de pain.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 08/06/2007 )
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